Polar : 3- Miss Seeton, une éclatante parodie de vieille fille détective



En sortant d'une représentation de Carmen, une dame professeur de dessin tente d'interrompre d'un tapotement de parapluie le comportement inapproprié d'un jeune homme envers une jeune fille. Il s'agit en fait d'un maquereau en train de poignarder une prostituée. D'emblée est installé le décalage surréaliste entre la vieille fille perdue dans ses pensées, que la presse populaire surnomme vite "le pébroque vengeur", et la réalité. Voilà le point de départ des aventures de Miss Seeton sous la plume d'Heron Carvic.

La vieille fille anglaise, rendue statistiquement plus fréquente au XXe siècle par les deux guerres mondiales est une figure fétiche des auteurs de polars anglais. De l'inaugurale Miss Silver de Patricia Wentworth à son avatar en tee-shirt à slogans Barbara Havers imaginée par Elizabeth George, en passant par l'incontournable Miss Marple d'Agatha Christie, elles ont pour point commun d'être de fines psychologues. Ce n'est le cas de Miss Seeton qu'à un niveau très inconscient, quand elle commence à dessiner fiévreusement des caricatures qu'elle cache honteusement dans son carton à dessin, comme un débordement de spontanéité peu convenable.

Miss Seeton n'est pas détective, ne mène pas d'enquête à proprement parler mais se retrouve toujours malgré elle au coeur de l'action. Elle agit comme un catalyseur dès qu'un crime se prépare à proximité. L'enquête, c'est presque toujours le commissaire Delphick, surnommé l'Oracle à Scotland-Yard, et le gigantesque sergent Bob Ranger qui la mènent, en utilisant les dessins de Miss Seeton comme support improbable.

Le troisième personnage récurrent de la série, c'est le village imaginaire de Plummergen dans le Kent. Village anglais de carte postale, doté d'un pasteur inepte, d'un juge de paix-châtelain-général-en-retraite et de commères de compétition, Plummergen joue le rôle d'un choeur antique, partagé entre les pro et les anti-Seeton. Les anti-Seeton sont menées par un couple crypto-lesbien et végétarien aimablement surnommé les cinglées, dont l'imagination est toujours inversement proportionnelle à leurs connaissances factuelles. Les pro-Seeton, c'est Sir George et Lady Colveden et leur fils Nigel.

Cette galerie de portraits serait incomplète sans Mel Forsby, journaliste de second ordre qui forme à plusieurs reprises un tandem de choc avec le pébroque vengeur.

La série a changé deux fois d'auteur. Les romans signés par Hampton Charles transforment tellement les personnages qu'on est soulagé que ça s'arrête. Hamilton Crane renoue avec les fondamentaux de ce petit univers sympathique sans jamais tout à fait faire oublier l'original.

C'est peut-être pour cela que la traduction des aventure de Miss Seeton s'est interrompue en cours de route et la série n'est plus éditée. C'est donc sur le marché de l'occasion qu'il faut se rabattre pour découvrir cette délicieuse confiserie anglaise.

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