Le procès Daygouy 13- L'ennemi juré de Jean-Baptiste : l'officier de santé Combes



Je me suis étonné dans un post précédent du jugement qui mélange au meurtre de Pierre Costes, difficile à démentir, des faits mal étayés et qui n'ont aucun rapport.

Leur présence n'est pas le fait du hasard. Le 16 décembre 1807, trouvant que le directeur du jury n'avance pas assez vite et n'instruit pas complètement, le substitut du procureur général impérial près le tribunal d'Espalion lui écrit en lui donnant des instructions précises.

Il ne cache pas d'où vient cette demande : "suivant la dénonce faite au substitut exposant par le sieur Combes, prêtre, aujourd'hui officier de santé, oncle dudit Pierre Costes, consignée dans sa lettre du 21 novembre dernier." Et sans surprise, on retrouve dans cette lettre de dénonciation le meurtre supposé de Pierre Garrigues, le blé empoisonné de la belle-mère, le fait d'avoir fait périr des bâtards, d'avoir fait de fausses signatures et le fait d'avoir réuni de faux témoins. Combes se garde bien de désigner nommément des témoins pour établir les "faits", ni même leur époque, il doit compter que l'enquête y pourvoira.

Le prêtre Jean Combes devenu officier de santé commence sa propre déposition en déclarant que "les liens du sang l'obligent à poursuivre la vengeance du crime", ce qui se comprend. Ce qui se conçoit moins de la part de quelqu'un qui accuse Jean-Baptiste d'avoir recours à des témoignages douteux, c'est la suite : "Il a écrit au magistrat de sureté, lui a indiqué des témoins, a constaté leur déposition dans un bref interdit, a parlé avec lesdits témoins, leur a dit qu'ils seraient punis sévèrement et même emprisonnés s'ils ne répétaient à la justice ce qu'ils disaient publiquement dans les auberges relativement au meurtre de Pierre Costes." Mais bien sûr il ajoute un peu plus loin qu'il n'a pas inspiré aux témoins ce qu'ils avaient à dire. L'ancien curé cauteleux explique, et je l'imagine volontiers la bouche en coeur qu'il "n'a cherché qu'à leur faire connaitre l'importance du témoignage qu'ils avaient à porter et à les maintenir dans la voie de l'exactitude et de la vérité". De peur d'être contredit par des témoins pas assez dociles, il prend la précaution d'ajouter encore "qu'il est possible que le témoignage de ceux avec qui il a conféré ne s'accorde pas avec ce qui est annoncé dans son bref interdit mais qu'il ne peut être garant des déclarations faites au hasard." Autrement dit,  il a obligé par une sorte de chantage moral des gens à assumer devant la justice des propos d'auberge qui ne les engageaient guère. Il y a encore vingt ligne de plus de justification à n'en plus finir de ce que ce n'est pas solliciter de faux témoignages que d'agir ainsi. A tant plaider on ne convainc guère et cette innocence si longuement affirmée me semble bien suspecte.

Lorsqu'il sera écroué, Jean-Baptiste invoquera comme premier motif à sa fuite le fait que "le sieur Combes agissait contre moi et on me fit craindre qu'il ne suscita contre moi de faux témoins."

Le plus beau est pourtant encore à suivre. Interrogé pour dire ce qu'il sait lui-même de l'affaire, Combes répond "qu'il est surpris d'avoir été cité en témoin pour déposer", que "son témoignage pouvait être suspect sous ce rapport et qu'il s'interdit la parole." Merveilleuse manière de ne pas avoir à assumer ses accusations.

L'interrogateur ne renonce pas, lui demande ce qu'il sait par ouï-dire. Il répond qu'il "n'a pas la mémoire présente pour se rappeler de tout" et indique qu'il désignera des témoins dans un délai de trois jours pour les délits qu'il a dénoncés et donne quelques noms en prétendant ne pas se souvenir des autres.

Ces témoins justement, venons-y. En commençant par l'affaire des faux témoignages. Jean-Baptiste Morin, 41 ans, serrurier à Espalion est entendu suite à la lettre de Jean Combes. Il cite le nom de 9 personnes avec qui Jean-Baptiste aurait pactisé pour lui faire perdre "ce qui lui était dû" en achetant des témoignages. Sans entrer dans aucun détail ni être questionné en aucune façon, Morin explique qu'il avait intenté contre Jean-Baptiste Daygouy. Il ajoute que, pris de remords après le verdict favorable à Daygouy, deux des neuf faux témoins supposés seraient venus lui verser ce qu'ils auraient reçu de Jean-Baptiste pour l'indemniser.

Guillaume Combes, meunier de 52 ans, déclare avoir gagné un procès contre Jean-Baptiste Daigouy douze ou treize ans auparavant devant le tribunal de commerce de Saint-Geniez, au sujet d'une quittance que Daigouy aurait falsifiée. Combes ajoute qu'il n'a toujours pas reçu paiement de Daigouy de ce que ce dernier lui doit. Il donne le nom de trois personnes qu'il présente comme de faux témoins mais précise aussitôt que les deux premiers sont décédés et que la troisième, une servante de Daigouy à Bonneval a l'époque, il ignore où elle se trouve et ne connait pas son nom. 

Le 19 septembre 1807, l'officier de santé Combes tient parole et donne le nom de douze nouveaux témoins au substitut.

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