Le procès Daygouy 14- Les très nombreux témoins de l'officier de santé Combes



A la lecture des témoignages des douze témoins cités par l'officier de santé Combes, je ne peux m'empêcher de penser que le nombre est là pour suppléer la faiblesse du contenu de certains. Je me suis efforcé de n'en citer vraiment que l'essentiel, en enlevant la plupart des "ouï-dire" et ce qui reste est sans doute encore un peu long.

1- Jeanne Annat, femme de Louis Gimalac, 48 ans, de La Marineriez à Coubisou : Jean-Baptiste a "excédé" Antoine Annat son père il y a vingt ans environ. Il en tomba malade et mourut au carnaval suivant, neuf ou dix mois plus tard.

2- Antoinette Costes, femme de Jean Prat, 30 ans, de Coubisou : elle a entendu dire, chez le maréchal ferrant de Coubisou qui tient aussi l'auberge, que le meurtre n'aurait pas eu lieu sans l'influence d'Anne Garrigues. Elle dit que deux coups de feu furent tirés mais qu'elle n'en a entendu qu'un seul. Elle déclare que son mari a été menacé par Jean-Baptiste pour ne pas l'avoir aidé lorsqu'il avait versé sa charrette à Labro. 

3- Marie Bezombes, femme de Pierre Nayroles, environ 37 ans, de Coubisou : elle raconte avoir été maltraitée jusqu'à regorger le sang par le fils Daygouy il y a deux ans dans un pâturage commun aux habitants appelé Lezet. Six mois plus tard, le fils Daygouy aurait tué ses chèvres sur un chemin public et menacé son fils de son fusil. Enfin elle dit avoir servi en tant qu'aubergiste, trois ans plus tôt, à boire et manger aux frais de Jean-Baptiste Daygouy, à des témoins d'un procès que Jean-Baptiste avait avec Gévaudan, d'Espalion.

4- Elizabeth Guibert, femme de Jean Alazard, environ 48 ans, du hameau du Frau à Coubisou & 12-  Joseph Richard, environ 40 ans, fermier d'Artis : tous deux ont entendu deux coups de feu et divers bruits.

5- Toinette Bouldoires, femme de Jean Bezombes, 32 ans, de Coubisou: elle se plaint d'avoir été menacée d'un fusil par le fils Daygouy alors qu'elle passait dans un pré leur appartenant, où elle dit qu'il est d'usage de passer lorsque les eaux sont grosses. Son mari étant intervenu, Toinette Bouldoires raconte qu'Antoine Daygouy inventa avoir été maltraité à coups de hâche par son mari et que pour donner corps à cette accusation, Anne Garrigues égorgea un poulet dont elle frotta le sang sur son fils pour faire croire qu'il était blessé et lui en fit boire pour le faire cracher devant Catherine Grisonne du Bousquet. Elle et son mari "crurent devoir terminer cette affaire par le sacrifice de quatre-vingt seize francs" qu'ils payèrent par billet à ordre, de peur des témoins produits par Daygouy qui étaient "vendus à l'iniquité".

6- Jean Prat, 34 ans, charpentier à Coubisou : sans doute le témoignage le plus intéressant. Il reprend l'incident de Labro, où Jean-Baptiste s'est mis en colère après avoir versé sa charrette à boeuf lors des dernières vendanges et où personne n'a voulu lui porter secours. Et c'est là que son témoignage prend un peu de relief : parmi les personnes qui n'ont pas porté secours à Jean-Baptiste, il y avait le futur tué, Pierre Costes. Jean Prat indique avoir entendu Jean-Baptiste parler de Pierre Costes avec mépris et colère, l'appelant "le petit fermier de Maleviale", et lui reprochant de s'être moqué de lui en chantant sur un toit. Jean Prat déclare qu'il y a erreur sur la personne, qu'il y avait bien ce jour là à Labro un homme qui se moquait de Daygouy en chantant sur un toit mais que ce n'était pas Pierre Costes, mais un couvreur de Campouriez. Jean Prat ajoute que Daygouy aurait ajouté que Pierre Costes le lui payerait. Ce témoignage qui pourrait accréditer une préméditation ne fut pourtant pas cru par les accusateurs qui crurent tant d'autres choses.

7- Jean-Baptiste Teyssèdre, environ 50 ans, cultivateur à la Garrigue : cette relation d'affaires de Jean-Baptiste déclare que celui-ci "n'a pas toujours été de bon compte" avec lui. Et, c'est tout...

8- Jean Guibert, environ 45 ans, vigneron à la Garrigue : lui aussi a entendu deux coups de fusil, plusieurs bruits et une voix menaçante qui disait "tu me le payeras avant qu'il soit jour."

9- Baptiste Ricard, 16 ans, berger chez Jean Hermet, au Luc : témoigne d'une dispute après le meurtre entre Anne Garrigues et Françoise Costes, la soeur de Pierre. Les deux femmes se traitaient de putains et autres termes choisis et il entendit Françoise Costes dire "si tu avais un fusil, tu me tireras comme mon frère".

10- Médard Bezombes, cultivateur, 46 ans, de Coubisou : raconte avoir été menacé d'un fusil pendant qu'il gardait ses moutons par Daygouy père et fils, le père aurait dit au fils "tire sur ce coquin là" mais aucun coup de feu n'a été tiré. Il s'agit toujours du même conflit d'interprétation entre Jean-Baptiste qui ne veut pas laisser les autres habitants faire paître leurs bêtes sur ces terres et les habitants qui invoquent l'usage. En l'espèce, Médard Bezombes conclut qu'il a cru devoir s'excuser. Il évoque ensuite une violente bagarre entre le fils Daygouy et un nommé Bezombes qui saigna de la tête et en fut enflé. 

11- Antoine Molinier, environ 30 ans, cultivateur à Coubisou : il n'a rien vu ni entendu. Il a seulement accompagné le curé de Coubisou au Bousquet et vu le corps sans vie de Pierre Costes.

Ce défilé de témoins n'est pas fini, neuf autres sont encore interrogés le 2 janvier 1808 :

13- Jeanne Fages, dite la Montauronne, environ 60 ans de Labro : se plaint d'avoir été frappé quatre fois pendant les quatre années qu'elle resta au service de Jean-Baptiste Daygouy. Elle se garde bien de dire qu'elle est la veuve d'un Daygouy de la main gauche. En effet, le grand-père de Jean-Baptiste, le notaire Jean-François Daygouy, a eu avant son mariage un fils illégitime de Jeanne Portette. Il n'a pas épousé cette dernière pour ne pas être privé de l'héritage de sa tante Mme de Roquefeuil, qui avait fixé pour condition qu'il épouse Jeanne Delpuech. Jeanne Fages est la veuve du petit fils de Jean François, Antoine Daygouy qui se faisait appeler Montauron. Interrogée sur l'habitude de Jean-Baptiste d'avoir ses armes chargées chez lui, elle déclare que c'est pour en imposer aux maraudeurs. Elle déclare ne pas croire que Jean-Baptiste aurait empoisonné le blé de pension de sa belle-mère.

14- & 15- Françoise Roulié, environ 65 ans, et son mari Philippe Molinier : ils travaillaient tout près de l'endroit où mourut Pierre Garrigues écrasé par un tronc d'arbre mais n'ont été témoins directs de rien et ne rapportent donc que les ouï dire habituels.

16- Toinette Dessus, 35 ans, du Cambon : elle a été servante d'Anne Garrigues pendant un an il y a dix ou onze ans. Elle ne sait rien de probant sur l'affaire même si elle a vu les deux jeunes filles présentes à la funeste veillée encadrées par les gendarmes le lendemain et rapporte leurs propos. Elle est surtout questionnée sur le rapport d'Anne Garrigues aux armes à feu. Celle-ci encourageait-elle ses fils à défendre leurs terres avec des armes ? Elle n'a jamais été témoin de cela. N'a-t-elle pas accompagné une fois Anne Garrigues qui s'était armée d'un pistolet ? C'est exact, contre trois hommes qui coupaient de la bruyère dans le bois de la Borie, mais c'est parce que Toinette elle-même refusait de l'accompagner pour aller chasser ces trois hommes et que c'était pour en imposer à ces hommes et rassurer Toinette qu'Anne Garrigues s'était armée. Les trois hommes se sont excusés et aucun coup de pistolet ne fut tiré.

17- Antoine Rames, environ 40 ans, cultivateur au Claux : ne reprend que des ouï dires déjà rapportés par d'autres, lui-même n'est témoin direct de rien, ce qui ne l'empêche pas d'affirmer "Daygouy le père est capable de tout."

18- Jean Neyroles, forgeron de Coubisou, environ 52 ans : il déclare qu'il est le cousin germain d'Anne Garrigues et ne sait rien par lui-même.

19- Antoine Neyroles, cultivateur au Causse de la Tipule, 25 ans : il a ouï dire...

20- Antoine Molinier, cultivateur à Coubisou, environ  34 ans : c'est notre témoin 11. Il a gagné quatre ans d'âge estimé en quelques jours mais n'a rien de plus à dire, sinon qu'il n'a jamais entendu dire qu'Anne Garrigues aurait encouragé ses enfants à défendre les biens de la famille par les armes.

21- Etienne Richard, commerçant au Cayrol, 65 ans : il n'a rien à dire. Il ajoute seulement quelques détails au sujet de l'exposition d'un bâtard dans le bois de Bonneval.

Il serait amusant de voir ce qu'un ténor du barreau actuel aurait fait de cette partie là du dossier d'accusation. Entre les mains d'un Eric Dupond-Moretti, il n'en serait rien resté. Mais à l'époque cela a suffi pour emporter la conviction du jury d'accusation que Jean-Baptiste Daygouy était "perdu de réputation".

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