Le procès Daygouy 5 - la chute d'un coq de village


Jean-Baptiste Daygouy avait beau avoir un grand-père maternel noble et un grand-père paternel qui se prétendait baron, il a su profiter de la Révolution pour faire fructifier son bien. Il se rendit acquéreur d'un assez grand nombre de biens nationaux, souvent confisqués à l'Eglise.

La mort de Pierre Costes a servi de révélateur à toutes les rancunes de voisinage contre un notable arrogant, coureur de jupons, qui n'hésitait pas à défendre ses biens les armes à la main et qui a peut-être prêté main forte aux insurgés contre-révolutionnaires, dont son cousin Laparra de Salgues.

Fils d'un des derniers juges ayant exercé à Coubisou, petit-fils de notaire, Antoine Daygouy était un chicaneur qui savait se servir au mieux des huissiers et des plaintes en justice, seul ou avec des proches, comme sa belle-mère. Et surtout il était riche.

Parmi les biens nationaux répertoriés aux archives départementales de l'Aveyron, il en achète plusieurs avec profit. On lui doit notamment d'avoir utilisé une partie des bois de l'abbaye de Bonneval pour la coupe sans replanter. J'ai noté à la volée dans le répertoire des biens nationaux plusieurs achats, comme celui-ci, du 25 frimaire an V (15 décembre 1796) : "un bois, dit de Nazet, sis à Coubisou", planté en broussailles et bois taillis, proche du bois d'Aigouy, des "roches le rendant inaccessible et infertile". Celui-là ne semble pas propre à rendre jaloux le voisinage, encore que Jean-Baptiste et ses fils soient accusés de tirer parfois au fusil sur des voleurs de bois ou sur les chèvres qui divaguent dans leurs bois. Anne Garrigues, la femme de Jean-Baptiste, irait même, dit-on dans le voisinage, jusqu'à poursuivre au pistolet les intrus, ce qu'elle nie, comme tout le reste. Contrairement à beaucoup de ses riches voisins, Jean-Baptiste fut épargné par les brigandages des années 1790. La rumeur publique le disait lié à l'insurrection de Carrié, chouannerie locale survenue en 1793. De-là à l'accuser d'avoir été épargné par les brigands car il était l'un des leurs, il n'y avait qu'un pas vite franchi.

Autre exemple d'acquisition avantageuse, plus probant : le 9 thermidor an IV (27 juillet 1796), Jean-Baptiste achète 4694 livres une pièce de terre appartenant auparavant au prieur de Coubisou d'une valeur de 1650 livres et d'un revenu annuel de 75. Il a dû faire lever l'opposition des habitants à cette vente par un arrêté du département en date du 24 frimaire an IV (15 décembre 1795).

Jean-Baptiste ne parvient pas toujours à acheter au meilleur prix. Il achète 8050 livres un domaine de Coubisou, dit domaine du seigneur, qui était aux religieuse de Bonneval alors qu'il était estimé à 2200 livres. Voilà qui a dû frustrer nombre d'enchérisseurs n'ayant pas la possibilité de le suivre dans de telles enchères.

Son frère ainé, Daygouy de Malescombes, a fait le même genre d'acquisitions à Pierrefiche.

A une date inconnue de moi, Jean-Baptiste s'était rendu acquéreur du château du Cayrol. Entre ses vignes, ses bois, ses châtaigners, ses terres, sa maison d'Espalion et l'or qu'il garde, Jean-Baptiste suscite bien des convoitises. Raymond Noël, dans son Dictionnaire des châteaux de l'Aveyron, le cite encore en 1811, alors qu'il croupit en prison, comme l'un des 600 contribuables les plus taxés de l'Aveyron.

Est-ce seulement sa richesse ou la rudesse de ses manières avec ceux qui s'opposaient à lui qui rendaient certaines personnes si mal disposées envers lui ? Plusieurs témoignages racontent qu'aux vendanges de 1807, alors que sa charrette à boeuf avait versé dans un fossé à Labro, personne ne lui proposa son aide et même que plusieurs à qui il en demanda ne lui en donnèrent pas. Les témoins racontent cela sous l'angle des propos injurieux ou menaçants qu'il aurait eu à cette occasion ou peu  après mais on imagine sans peine le contentement des voisins souvent humiliés par ce coq de village de le voir se débrouiller tout seul en fâcheuse posture.

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