Mes ancêtres dans la Grande guerre 2 : Albert Sebert, violoniste et photographe

Albert Sebert en pause cigarette dans la cour d'une ferme à l'arrière, sans date

Mon arrière-grand-père Albert était un passionné de photographie. Il a fait de mon grand-père son disciple et plus tard mon père, plusieurs de mes oncles, cousins et cousines ont continué le grand album de famille.

Malheureusement, à la mort d'Albert Sebert, mon grand-père a stocké ses photos chez sa belle-mère. Et lorsque celle-ci est morte à son tour, le grand-oncle qui s'est chargé de vider la maison pour la vente a "balancé toutes les vieilleries", dont les précieuses photos de mon arrière-grand-père ! Il n'en reste donc que quelques unes, le plus souvent de minuscules tirages contact, que la numérisation m'a permis de sauver. J'espère seulement que quelqu'un a récupéré ces photos et qu'elles ont survécu quelque part. Je publie dans cet article toutes celles qui concernent la Grande guerre, dans l'espoir que leur partage me permettra de recueillir des indices complémentaires. J'ignore bien sûr à qui il confiait l'appareil lorsqu'il voulait figurer lui-même sur la photo. Il est possible aussi que certaines photos n'aient pas été prises avec son appareil, les échanges de photos étaient une pratique habituelle entre soldats et est attesté à de nombreuses reprises dans son régiment.

Voici la photo la plus ancienne. Elle doit dater de 1911, l'année où Albert fait ses classes. Albert a devancé l'appel en s'engageant volontairement pour trois ans. Arrivé au 36e régiment d'infanterie le 1er mars 1911, il fait son service militaire dans sa région natale puisque cette unité est stationnée à Caen. Faute de connaître son bataillon d'affectation, je ne sais pas s'il se trouve alors dans la vétuste caserne Hamelin ou à la plus moderne caserne Lefèvre, qui se trouvait dans l'enceinte du château de Caen. En mars 1912, il devient soldat musicien. Son service militaire s'achève le 1er mars 1914.
Son retour à la vie civile est des plus brefs. La mobilisation générale du 1er août le renvoie vers la caserne le 3 août 1914. Il est à nouveau affecté comme musicien au CHR (compagnie hors rang, qui regroupe le fonctionnement administratif, la logistique et le commandement du régiment). 
Le voici à cheval. Il était pourtant dans l'infanterie, au 36e régiment. Mon oncle Daniel, cavalier accompli, m'a fait remarquer que la posture sur le cheval n'est pas celle d'un débutant mais d'un homme qui a l'habitude de monter. 

Sur la photo ci-contre, Albert est à droite, qui porte un petit chien dans ses bras. Albert aimait les chiens et a transmis ce goût à plusieurs de ses descendants. J'ai moi-même un chien et si j'ai du mal à imaginer ce que pouvaient ressentir ces hommes si longtemps loin de leur foyer, dans l'inconfort permanent et surtout dans l'ombre errante de la mort, je crois pouvoir comprendre le réconfort que pouvait leur apporter un chien, la simplicité de ses besoins, l'inconditionnalité de son affection. Je ne sais pas en revanche ce que sont les boites à gauche sur la photo. 


Lecture du courrier


Une autre source de réconfort était sans doute la lecture du courrier. Je n'ai malheureusement retrouvé aucune correspondance de la main d'Albert ou qui lui aurait été envoyée. Je sais cependant par des lettres plus tardives qu'il écrivait à sa jeune soeur Lucienne, pour qui à partir de la mort de leur père en 1915 il est une sorte de figure paternelle.  Sans doute cette photo a-t-elle été prise lors d'un temps de repos à l'arrière. Le paysage autour ne semble pas marqué par les combats et leurs destrucions. Il s'en dégage quelque chose de paisible que je ne parviens pas à associer à la guerre.

Pourtant elle ne fut pas exempte de combats pour Albert. Il est blessé, mais pas évacué, une première fois en décembre 1914, ce qui lui vaut une citation à l'ordre du régiment, n°802 : "brancardier d'un dévouement à toute épreuve et d'un grand sang froid, blessé le 3 décembre 1914 au cours d'un violent bombardement"

Ruines, sans date.  




Le 27 juillet 1918, Albert est cette fois évacué suite à une blessure dont sa fiche matricule ne dit rien d'autre. Il reste absent du front un mois puis revient le 27 août dans la même affectation.

Il est blessé une dernière fois, intoxiqué par les gaz le 3 octobre 1918 et doit de nouveau être évacué. Après plusieurs mois d'hôpitaux et de convalescence, il retourne au corps après l'armistice en janvier 1919. Il n'est congédié quel le 10 septembre 1919. Entretemps il s'est installé à Lisieux, chez son frère cadet Paul.
Les photographies qui renvoient à l'activité musicale d'Albert ne sont pas nombreuses, ce qui fait l'intérêt de celle-ci, où l'on voit les instruments dans un paysage enneigé. Jérôme Verroust dans son remarquable blog dédié au 36e régiment d'infanterie, a consacré un post à la musique où l'on trouve notamment la mélodie et les paroles de son hymne parodique
Malheureusement, le blog n'est plus mis à jour depuis plusieurs années et je n'ai pas eu de réponse à ma tentative de contact auprès de son auteur. 


Cette photo-ci représente cinq hommes servant un canon. Il me semble reconnaître un canon de 75. C'est du moins ce à quoi semble correspondre l'obus sur lequel le soldat au premier plan à droite s'appuie négligemment. Ce qui est inhabituel, c'est que le canon n'est pas monté sur ses roues, mais fixé à une sorte de plateforme. J'ai trouvé des informations sur des canons de 75 utilisés en défense antiaérienne mais le visuel me parait assez différent. Je ne peux identifier aucun des six hommes posant sur la photo. Peut-être un lecteur connaisseur de l'artillerie pourra-t-il m'en apprendre plus.
Voici une scène de destruction que je ne sais ni dater ni situer. On voit des tentes militaires au premier plan. Derrière, ce qui semble une installation industrielle en ruines, peut-être une usine sidérurgique ? 







Cette photo représente quatre hommes non identifiés servant une mitrailleuse. Comme souvent, un site de passionnés m'a permis de trouver des informations précieuses. J'ai pu identifier cette arme comme étant une mitrailleuse Saint-Etienne modèle 1907.









Sur cette photo, Albert est au centre, appuyé sur deux camarades non identifiés. Les casques sont négligemment posés au sol.
















Prise à l'entrée d'un abri de tranchée, cette photo est la seule où Albert, que je sais avoir été fumeur de cigarette, fume la pipe. Autre originalité, il pote la barbe et non la moustache. Il est photographié avec un autre musicien, reconnaissable comme lui à la harpe sur le bras de l'uniforme.

Après guerre, Albert reprend son activité d'ouvrier métallurgiste qualifié.  Tourneur sur métaux, il travaille de nombreuses années à la société métallurgique de Normandie, à Mondeville, où il se rendait à vélo depuis ses domiciles successifs de Caen, Tilly la campagne, Ifs et enfin Rots. Son pied à coulisse et le boitier en bois qu'il avait confectionné pour lui ont été pieusement conservés et sont aujourd'hui la propriété de mon oncle Jean. Mon oncle Daniel, ébéniste de formation, a restauré l'ensemble et a pris des photos que j'espère pouvoir récupérer un jour.

Lorsqu'il décède le 2 septembre 1951 à Rots, âgé seulement de 59 ans, Albert est d'abord inhumé provisoirement à un endroit non identifié avant de l'être à nouveau l'année suivante dans une concession trentenaire du cimetière de Rots. Cette concessions a fait l'objet d'une reprise il y a déjà de nombreuses années et les restes d'Albert Sebert se trouvent aujourd'hui à l'ossuaire de Rots. Sa descendance comprend à ce jour 10 petits-enfants, 27 petits enfants et 9 arrière petits enfants.

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