La triste fin d'Etienne Pons, chanteur ambulant à Montpellier en 1892

Depuis 1992, j'ai effectué de nombreuses recherches généalogiques sur le village de Saint-Jean-de-Fos pour l'arbre de ma grand-mère maternelle. J'ai accumulé assez de matériaux pour retracer presque toutes les familles du village entre la Révolution et la première guerre mondiale, d'une manière très complémentaire à ce qu'à fait Jean-Jacques Massol avant 1700. Lorsque dans mes dépouillements de presse ancienne montpelliéraine je retrouve l'un d'entre eux, je prends des notes. 

La vie d'Etienne Pons (1851-1892), telle que racontée par L'Eclair, m'a donné envie de la partager. 

Etienne Urbain Pons est né le 28 juin 1851 à Saint Jean-de-Fos, d'un père tailleur originaire de Navacelle, Louis Pons (1794-1867) et de l'anianaise Françoise Lacas (1813-1860). Orphelin assez jeune, ayant survécu à tous ses frères et soeurs, Etienne connut une existence brève et assez triste. Voici l'article qui me l'a fait connaître : 

« Les drames de la misère. 

Il n’est peut-être pas un habitant de notre ville qui n’ait rencontré, dans les rues, un individu assez jeune encore, montrant aux passants, fin de provoquer leur pitié, sa jambe droite atrophiée. 

Afin de masquer un peu la mendicité à laquelle il se livrait, cet individu (…) tenait toujours dans sa main un recueil de chansons qu’il offrait en vente.

C’est à la suite d’une chute, il y a environ 15 ans, que Pons se fit une horrible blessure à la jambe droite.

Ne pouvant plus travailler et dénué de toutes ressources, il avait dû avoir recours à la charité publique, pour ne pas mourir de faim. 

Il parcourut longtemps l’arrondissement de Lodève, mais ne récolta que de nombreuses condamnations pour mendicité. Il fit plusieurs démarches afin d’entrer à l’hôpital des Incurables, à Lodève. Mais ce fut peine perdue et Pons dut reprendre son collier de misère. De nouveau, les condamnations pour mendicité pleuvant sur lui, il quitta Lodève et vint se fixer à Montpellier. On le voyait très souvent assis dans la rue de la Loge ou près de l’hôtel des Postes. 

Comme sa conduite était irréprochable, la police fermait le plus possible l’oeil sur lui. Cependant, à diverses époques, il comparut devant le tribunal correctionnel, toujours sous l’inculpation de mendicité. 

Las de cette existence, Pons tenta de nouveau des démarches pour être admis à l’hôpital mais il ne fut pas plus heureux qu’à Lodève. Depuis 1869 jusqu’à ces jours derniers, il avait subi 22 condamnations pour mendicité, dont 16 prononcées par le tribunal de Montpellier."

Le 17 octobre 1888, le tribunal correctionnel l'avait condamné à dix jours de prison pour avoir outragé le commissaire de police d'Agde. Le messager du Midi racontait « Le prévenu se plaint que la police d’Agde n’a pas de coeur. Il ajoute qu’il est resté vingt quatre heures sans rien manger. M. Le commissaire, interrogé, répond que Pons a refusé la nourriture réglementaire en disant « il faut que les gens d’aujourd’hui n’aient pas de sang dans les veines pour ne pas vous foutre à l’eau ». »

Mais revenons au récit de L'Eclair : "On comprend qu’une pareille vie était insupportable pour ce malheureux déshérité. Voyant l’hiver arriver et sachant qu’il n’avait même plus la ressource de se faire interner à la maison d’arrêt par suite d’une mesure récente prise par M. le procureur de la République qui veut éviter l’encombrement des mendiants dans les prisons. Pons conçut aussitôt le funeste projet d’en finir avec la vie. 
Avant-hier, il dina comme d’habitude avec quelques camarades. »

Edouard Marsal (1845-1929) - Caserne de la Cavalerie en face de l'auberge
(collection Pierre Clerc, cliché de J. Bertrand, avec l'aimable autorisation de Francette Belloli)

Le chanteur ambulant logeait alors dans une modeste auberge du 27 rue de la Cavalerie. 

« Rien dans son attitude ne laissa devenir sa triste résolution. Cependant l’aubergiste, M. Robert, fut très surpris de voir Pons, d’habitude très sobre, demander plusieurs verres de vin. Un peu après 9 heures, Pons monta dans sa chambre. Une demi heure après, la bonne de M. Robert, apercevant de la lumière dans sa chambre, entra pour lui demander une allumette.

En apercevant Pons immobile derrière la porte, ne répondant pas ses questions, elle pensa qu’il était indisposé et appela son maître qui arriva aussitôt. 

Il constata alors que le malheureux s’était pendu à l’aide d’une grosse ficelle fixée à la poutre du plafond. 

Si, à ce moment, on avait coupé la corde, Pons aurait pu être sauvé, car il était encore chaud. Mais, toujours la vieille histoire, on alla aussitôt requérir les agents de police.

Pendant que ceux-ci allaient aviser M. Annezin, commissaire de police, et le docteur Vigouroux, le sous-brigadier Escalier se rendait auprès du cuisinier et coupait la corde. Mais il était trop tard et, quoique le corps fût encore chaud, le malheureux Pons avait cessé de vivre. A leur arrivée MM Annezin et Vigouroux ne purent que constater le décès. 

Pons laisse pour toute fortune 70 centimes ». 

C'était le 8 décembre 1892.

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