Montpellier et autour 6 : Le centre-ville en 1882

Dans ce billet, je m'attarde sur une des pièces les plus anciennes de ma collection d'images de Montpellier. Un remerciement particulier à l'ami Sébastien qui m'a poussé à céder à la tentation de cet achat. 

Parfois les cartes et photos que je trouve ont beaucoup voyagé. Il m'est déjà arrivé d'acheter à un vendeur australien. Le petit carnet rouge dont il est question ici vient d'Italie. Le vendeur en voulait 100 euros, il a transigé à 80. Ce petit carnet a dû pas mal voyager, car la date est accompagnée d'un bref texte en caractère cyrilliques : 


Ce qui signifie :

"Boydanovskaya

Natalia

de Montpellier

en 1883"

(merci à Olha Lopez, Frédéric Evans et Alexandra Jcb de leurs efforts conjugués. Si j'ai mal choisi parmi leurs propositions, j'en suis seul responsable).

Malgré une recherche sur les principaux moteurs de recherche généalogique, avec des variantes d'orthographe, je n'ai pas retrouvé de trace de cette femme. A-t-elle fait le voyage elle-même ? 

La série de photos présente donc une série de vues prises peu avant cette date, entre 1878 (j'y reviendrai) et 1883.

Dans l'album, l'ordre des vues est le suivant : 

- Arc de Triomphe vu depuis la ville

- Les Arceaux vus du Peyrou

- La statue de Louis XIV

- Le Peyrou vu depuis l'arc de Triomphe

- Le château d'eau du Peyrou

- L'arc de Triomphe vu depuis la croix de mission

- La cathédrale

- La faculté de médecine

- Les Trois Grâces en plan serré

- L'Esplanade

- La fontaine aux Licornes sur la place de la Canourgue

- La fontaine de la Préfecture.

Je vais les traiter dans un ordre un peu différent, comme si nous faisions une promenade en ville un jour de 1882. 

Dans l'ensemble de ce billet, les vues issues de l'album sont présentées sans légende. 


Les Arceaux vus du Peyrou : 

La vue est prise depuis la promenade haute. C'est un point de vue repris dans les cartes postales pendant de nombreuses années. Sur la carte postale suivante, on distingue la cheminée, plus grand que le modèle précédent, de la chocolaterie Matte, fondée en 1820 et dont les chromos sont encore prisés des collectionneurs. 


La cheminée a disparu de la carte en couleur suivante, mais le paysage semble inchangé alors que le quartier des Arceaux est devenu plus dense.

Carte postale Yvon circulée en septembre 1966 (collection de l'auteur)


Le château d'eau du Peyrou

C'est un angle de vue parfaitement classique sur le château d'eau du Peyrou. A part de menus détails, le paysage semble immuable. Le militaire qui pose, un rien cabot, anime un peu la vue. L'agrandissement ci-dessous permet de voir ce qu'il y a de volontaire dans sa présence sur une série de photos autrement sans animation humaine.


Le "Temples des eaux" de Giral date de 1768. Il était à l'origine surmonté d'une coupole supprimée en 1794 lors d'une démolition partielle.

Carte circulculée en septembre 1911, envoyée par Marguerite Polge à ses parents à Rochebelle dans le Gard (collection de l'auteur)

En 2014, la restauration toute fraiche avait une couleur très crue (cliché Bernard Sebert)


La statue de Louis XIV

La statue d'origine a disparu, fondue à la Révolution. L'actuelle, inaugurée en 1838, est plus petite que l'originale. Elle est due à Jean-Baptiste de Bay qui a aussi réalisé quelques années plus tard la statue du Cardinal Fleury, devant l'entrée du palais de justice.

On remarque une grille autour du piédestal de la statue, disparue dans les années 1940.

Carte circulée en février 1919 (collection de l'auteur)

Cette vue semble plus rare par la suite, je n'ai pas retrouvé de cadrage proche dans les nombreuses cartes en couleur que je possède sur le Peyrou.


Le Peyrou vu depuis l'arc de Triomphe

A nouveau, la cohérence chronologique de la série se confirme. Nous sommes avant janvier 1884 puisque les groupes sculptés de part et d'autre des grilles ne sont pas encore les lions d'Injalbert, mais les scultptures Sirène à gauche, et Jeunesse et chimère à droite. Ces sculptures, offertes par le ministère de l'Instruction publique, sont en place depuis 1876.

La carte postale suivante est prise depuis le haut de l'arc. Elle permet d'apercevoir seulement le lion de gauche, car elle est cadrée plus serré. 

carte postale circulée en 1927 (collection de l'auteur)


L'arc de Triomphe vue en contreplongée côté sud


Contrairement à d'autres, cette photo ne serait plus possible aujourd'hui. Le dégagement vers la façade du palais de justice n'existe plus avec la construction d'une élégante maison dans les années 1880. On la voit très bien, avec sa façade au niveau bas, sur la carte postale suivante

carte postale non circulée (collection de l'auteur)


Arc de Triomphe vu depuis la ville


Cette photo est l'une des plus intéressantes de la série car elle monte l'arc de triomphe côté ville avant le percement de la rue Foch. Elle est très certainement antérieure à d'autres de la série, car les travaux de démolition des immeubles à gauche ont commencé, d'après Roland Jolivet, en mars 1878.

La carte postale suivante permet de voir l'immeuble neuf à gauche quelques années plus tard.

Carte postale non circulée (collection de l'auteur)

J'emprunte à mon grand-père les deux clichés suivants, qui montrent l'arc de triomphe tel que je l'ai connu adolescent dans les années 1990, puis ravalé de façon très crue dans les années 2000. 

vers 1990 (cliché Bernard Sebert)

mai 2010 (cliché Bernard Sebert)


La cathédrale


On a tendance à l'oublier, mais la cathédrale forteresse Saint-Pierre a été beaucoup remaniée au XIXe siècle. La tour Sud que nous voyons sur la photo du tournant des années 1880 est donc flambant neuve. Et sur le côté, le portail commandé à Baussan en 1870 est encore inachevé, caché sous des échafaudages comme le montre l'agrandissement ci-dessous.


Les deux cartes postales suivantes permettent de voir le portail en question achevé. Sur la première, on voit que a publicité va se nicher dans des endroits insolites. Il est vrai qu'il s'agit de rente et d'assurance sur la vie, mais le voisinage est quand même étonnant. 

Portail latéral dédié à la Sainte-Vierge, par Baussan (carte non circulée, collection de l'auteur)

Carte postale non circulée (collection de l'auteur)

Les cartes postales ont depuis souvent adopté le même point de vue qui magnifie le portail et ses deux tourelles massives.

Carte non circulée (collection de l'auteur)

Carte postale Rella non circulée, vers 1970 (collection de l'auteur)

La photo prise dans les années 1990 par mon grand-père et numérisée par lui en 2004, adopte le même point de vue, avec à peine moins de recul.

Vers 1990 (cliché Bernard Sebert)


La faculté de médecine


Là encore on trouve de nombreuses cartes postales postérieures prises avec peu ou prou le même angle. Les statues de Lapeyronie et de Barthez, en place depuis novembre 1864, incitent parfois à des plans plus rapprochés.

Carte circulée en mars 1907 (collection de l'auteur)

Carte postale Yvon circulée en 1958 (collection de l'auteur)


La fontaine aux Licornes sur la place de la Canourgue


J'ai déjà raconté le déménagement de cette fontaine dans un billet précédent. J'y renvoie les lecteurs curieux du détail historique et je laisse profiter les autres des images. 


La fontaine de la Préfecture


La fontaine de la Préfecture, due au ciseau de Journet du Vigan, est ici représentée en plan serré. Il faut un oeil exercé pour en retrouver le contexte qui était le sien depuis 1776. En effet l'actuelle place des martyrs de la Résistance n'a été achevée qu'en 1883, année où la fontaine y a été déplacée. Cette allégorie de la ville de Montpellier est depuis revenue place Chabaneau, là où la photo ci-dessus a été prise.

Prises à peu près sous le même angle à quelques années de distance, les deux cartes postales modernes suivantes montrent bien la différence entre les deux états. 

carte postale Yvon circulée en 1969 (collection de l'auteur)

Entretemps un parking souterrain est venu se glisser sous la place.

carte postale Yvon après octobre 1973 (collection de l'auteur)

Dans quelques mois, la vue aura de nouveau bien changé avec un nouvel aménagement de la place.

Les Trois Grâces en plan serré


Comme celle de la Préfecture, la fontaine des Trois Grâces est ici représentée en plan serré. On devine à gauche le mur du jardin de l'hôtel Nevet. A droite, c'est le bureau de tabac du père Lacroix qui déborde de l'alignement, en retrait duquel a été construit l'immeuble à coupole qui abrite aujourd'hui au rez-de-chaussée une pharmacie. 


Comme nous sommes en 1882, il n'y a pas de théâtre, brûlé en avril 1881, ni d'Opéra Comédie, inauguré en octobre 1888. 

Les immeubles du bel alignement de gauche ne commenceront à sortir de terre, en retrait d'alignement, que 10 ans plus tard. La fontaine n'est pas encore sur un refuge en forme d'oeuf.

L'Esplanade

C'est par la vue classique de l'Esplanade par le sud au niveau du premier bassin que se conclut ce billet. 


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