Le procès Daygouy 2 -Commencer par la fin : l'exposition et la mort en prison

Avant de prendre connaissance du dossier criminel de Jean Baptiste Daygouy (voir https://arbrier.blogspot.fr/2017/12/le-proces-daygouy-1-les-nobles-aieux-de.html), j'imaginais que la France était passée presque sans transition de la justice d'ancien régime au Code pénal en vigueur jusqu'en 1994. Pourtant le code pénal datait de 1810. Il y avait donc eu deux décennies où le droit en vigueur était celui d'avant le code pénal de 1811.

"l'an mil huit cent douze et le quatrième jour du mois de novembre heure de onze du matin, acte de décès de Jean Baptiste Degoui, propriétaire, décédé le trente un octobre dernier à six heures du soir agé d'environ cinquante sept ans, natif de Coubisou, département de l'Aveyron, y domicilié et marié, sur la déclaration à moi faite par Jean Teissier inspecteur de la maison centrale de Montpellier où est décédé le dit Degoui et par Fulcran Loupiac gardien de la même maison agé de cinquante deux ans, habitants de cette ville et ont signé après lecture faite". La transcription dans le registre de Coubisou rectifie partiellement l'orthographe de l'original montpelliérain, qui aurait pu m'échapper longtemps puisque le nom de Jean-Baptiste y est orthographié Daybouy. L'âge donné par l'acte est fantaisiste, puisque Jean-Baptiste avait au moment de son décès l'âge respectable pour l'époque de 69 ans. 

J'ai cherché à savoir s'il existait des archives de la prison de Montpellier pour me faire une idée des conditions de détention à cette époque et de voir s'il existait encore un registre d'écrou ou des informations nominatives. Les archives de la prison adossée au palais de justice et construite dans les années 1840 sont riches. C'est moins vrai de la période précédente où la prison se trouvait dans la citadelle, actuel lycée Joffre. La configuration des lieux était très différente avant la construction des bâtiments de caserne qui datent du Second Empire. Mes premières recherches en ce sens n'ont rien donné et je n'ai pas poussé plus loin.

Entre le rejet du pourvoi en cassation le 14 juin 1810 et la mort loin des siens dans la maison centrale de Montpellier, il se passe à peine plus de deux ans. Autre question sans réponse : pourquoi a-t-il été emprisonné si loin de son département ? Etait-ce courant à l'époque ? 

La condamnation définitive de Jean-Baptiste à dix ans de gêne pour meurtre s'accompagne d'un rituel survivant de l'ancien régime et qui n'a disparu qu'en 1848 : l'exposition publique.

Pièce 57 : "L'an mil huit cent dix et le septième juillet nous François Raymond huissier (...) en vertu de l'arrêt de la Cour en date du 26 avril dernier qui condamne Jean Baptiste d'Aigoui propriétaire du village du Bousquet, commune de Coubisou, à la peine de dix ans de gêne, en conséquence ledit d'Aigoui a été livré à l'exécuteur des arrêts criminels et a été conduit la place publique de cette ville pour y être attaché à un poteau où il a été exposé aux regards du peuple pendant quatre heures."

La place du bourg à Rodez, lieu des exécutions et des expositions, environ un siècle après les faits.

Cette peine infamante a eu pour lui une durée inhabituelle ; l'exposition ne durait normalement qu'une heure. Censée impressionner le public et avoir un caractère dissuasif, elle était devenu pour les citadins un spectacle suffisamment courant pour que son effet soit mis en doute dès cette époque. Je n'ai pas pu accéder au seul périodique paraissant à l'époque à Rodez, le journal de l'Aveyron, dont seules la BNF et les archives départementales de l'Aveyron conservent une série, ce qui me renseignerait peut-être sur le déroulement de l'événement. J'en suis réduit à imaginer la situation.

Et pour un homme que son procès avait diabolisé, en donnant corps à toutes les rumeurs de voisinage en sa défaveur, j'imagine qu'il a dû apparaître comme un monstre. 

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