Pierre-Rouge : épisode 0 - Introduction à un feuilleton autour de l'histoire d'un quartier de Montpellier

Puits de l'ancien château de Boutonnet - août 2018 (collection personnelle)

Après plusieurs feuilletons généalogiques assez classiques (un procès criminel, les mystères d’une famille, mes ancêtres pendant la Grande guerre), je voudrais de façon un peu plus ambitieuse écrire l’histoire de ce quartier, de mon quartier. Rien de moins. Il y a là comme une évidence, l’aboutissement logique d’un cheminement personnel. J’ai accumulé du matériel depuis des années sans vouloir définir à quoi cela servirait un jour et sans doute je n’en étais pas pleinement conscient. Et puis l’été dernier, j’ai retrouvé ma mère et mon frère dans la maison familiale pour une grillade. Ma famille occupe cette maison sans discontinuer depuis 1937. Dans un Montpellier qui a beaucoup grandi et alors que notre famille n’a jamais compté parmi les notables, nous ne devons pas être beaucoup dans ce cas. Et dans la conversation, nous avons évoqué les transformations du quartier, les nouveaux immeubles qui transforment radicalement les abords du cimetière Saint-Lazare, les lofts qui occupent les anciens entrepôts des pompes funèbres, le fait que le gibet se trouvait autrefois juste à côté… J’ai dit, sans trop y réfléchir, que l’histoire du quartier ferait un bon feuilleton pour mon blog. Et depuis fin août 2018, j’y consacre une bonne partie de mon temps libre. J'ai une cinquantaine d'épisodes en préparation, qui seront mis en ligne au rythme d'un par semaine, en fonction de leur achèvement plus que d'un ordre parfait.

Le même endroit dans l'entre-deux-guerres
(carte postale non circulée, collection de Claire Parguel, avec mes remerciements)

L’urbanisation ne s’inscrit jamais dans un territoire vierge. A l’image des palimpsestes du Moyen-âge, elle efface les traces de ce qui existait auparavant, parfois seulement de façon partielle, pour y mettre un contenu entièrement nouveau. Même si Montpellier est une création récente à l’échelle de l’histoire, avec sa fondation en 985 par la donation du comte de Mauguio à Guilhem, la ville s’étend sur des lieux où la présence humaine est attestée depuis la préhistoire. Avant même la fondation de la ville, des espaces comme celui du quartier de Pierre-Rouge sont traversés par des chemins, mis en valeur par l’agriculture et accueillent un habitat diffus. La trame viaire, les constructions, la manière de s’approprier l’espace public et de délimiter les espaces privés, peuvent se lire comme un géologue le ferait d’une succession de couches de terrain. Pierre-Rouge s’est construite par accumulation et densification, sans plan d’ensemble jusqu’aux années Frêche. Elle est un regroupement de micro-quartiers qui ont souvent leur propre cohérence interne, parfois construits dans un souci d’intégration à un ensemble plus vaste mais très souvent selon leur seul intérêt propre. De cette construction par accumulation, le tracé contrarié d’une rue, un monument déplacé ou un bâtiment ancien affecté à un nouvel usage conservent la trace pour qui sait lire ces indices. Livres, journaux anciens et archives permettent de confirmer les intuitions du piéton attentif et surtout de retrouver ce dont la trace est trop bien cachée ou effacée.

J’invite mon lecteur à un exercice d’ego-histoire autant que d’ego-géographie. Historien de formation - j’ai un mémoire de DEA qui l’atteste et mes déménagements successifs sont encombrés des matériaux d’une thèse jamais achevée -, ancien professeur d’histoire géographie, j’ai quelques réflexes professionnels qui marquent nécessairement mon propos. Mais lorsque j’écris en généalogiste, je n’ai ni la distance ni la prétention à l’objectivité nécessaire à un travail rigoureusement scientifique. Je préfère rendre explicite pour mon lecteur ce qu’il y a de personnel dans ce que j’écris : c’est déjà assez difficile de ne jamais cesser d’être intellectuellement honnête pour que je ne fasse pas la promesse intenable d’être objectif ou pire, neutre. Je me fonde sur des ouvrages, généraux, thématiques ou monographiques. J’ai conservé de nombreux article de journaux depuis un quart de siècle et je parcours avec plaisir la presse ancienne numérisée. Je lis avec intérêt les sites Internet les plus divers pour aller y chercher l’information qui me manque, depuis les sites d’itinéraire et géolocalisation aux annonces immobilières en passant par les sites associatifs. Autant que possible, je cite mes sources, mais parfois avec les années, je ne sais plus d’où viennent certains des faits dont je me souviens. A tout cela s’ajoute mon propre vécu et ce que j’ai en partage de mémoire familiale ou amicale du quartier.

Partant du cadre géographique et des traces du passé le plus lointain, c’est une approche point par point que j’adopterais ensuite. J’espère, à la manière des peintures de Signac ou de Seurat, que le lecteur en regardant ces points dans leur ensemble, verra avec moi se dessiner une image reconnaissable au terme de ma démarche.

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