Pierre-Rouge 11 : Du couvent des Récollets aux futures archives municipales
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Le couvent est béni en octobre 1666 mais les travaux ne sont pas encore terminés et se poursuivent par tranches jusqu’en 1716. La chapelle en revanche est achevée en 1681. C’est un bâtiment très simple, une nef unique de cinq travées. Un clocher de plan carré y est adjoint sur un dessin fait par Jean Giral en 1725. Un magnifique tombeau y fut construit pour Joseph Bonnier de La Mosson. Il n’en reste aujourd’hui que la statue de sa fille, attribuée au sculpteur François Dumont, exposée au musée Fabre.
Le clocher a été détruit en 1830. La façade actuelle date de 1743 et dissimule la façade primitive. Trois corps de bâtiment formaient un préau carré fermé par la chapelle sur le quatrième côté. L’ensemble est sévère, quasi dépourvu d’ornementation et, sauf la chapelle, l’élévation n’est que d’un étage. Devant la chapelle se trouvait une olivette appartenant aussi aux frères Récollets. Roland Jolivet rapporte une anecdote trouvée sous la plume d’un chroniqueur anonyme. Sous l’olivette se trouvait une grotte utilisée comme carrière de sable, comme il y en avait plusieurs le long du Verdanson. Un moine y trouva la mort au XVIIe siècle, enseveli par l’effondrement soudain de cette grotte sableuse.
Façade de l'ancienne chapelle des Récollets - octobre 2018 (collection personnelle) |
L’ordre des Récollets fut créé au XVIe siècle au sein de la famille franciscaine. Depuis longtemps déjà, les différents ordres religieux qui se réclamaient de l’inspiration de Saint François d’Assise se posaient périodiquement la question de la fidélité de leur congrégation à l’enseignement du Poverello. Les frères mineurs Récollets furent fondés dans l’objectif de revenir à la pauvreté évangélique des origines, par la stricte observance de sa règle. C’est cette démarche de retour aux sources, ou de récollection, qui leur donna leur nom.
Lors du siège de Montpellier en 1622, dix-neuf pères Récollets assurent l’aumônerie des armées royales. Dix ans plus tard, c’est celle de la citadelle qui leur est confiée. Deux legs successifs du conseiller de Sartre, en 1663 et 1664, les rendent propriétaires d’un terrain de 2,4 hectares, qu’ils augmentent de l’achat d’un terrain contigu. Pour éviter de voir leur domaine morcelé, les Récollets obtiennent en 1664 de déplacer le tracé du chemin de Castelnau.
Le couvent est béni en octobre 1666 mais les travaux ne sont pas encore terminés et se poursuivent par tranches jusqu’en 1716. La chapelle en revanche est achevée en 1681. C’est un bâtiment très simple, une nef unique de cinq travées. Un clocher de plan carré y est adjoint sur un dessin fait par Jean Giral en 1725. Un magnifique tombeau y fut construit pour Joseph Bonnier de La Mosson. Il n’en reste aujourd’hui que la statue de sa fille, attribuée au sculpteur François Dumont, exposée au musée Fabre.
François Dumont (attribuée à), Mlle Bonnier de La Mosson (1720) (partagée par L.& L. sous licence Créative Commons) |
Le clocher a été détruit en 1830. La façade actuelle date de 1743 et dissimule la façade primitive. Trois corps de bâtiment formaient un préau carré fermé par la chapelle sur le quatrième côté. L’ensemble est sévère, quasi dépourvu d’ornementation et, sauf la chapelle, l’élévation n’est que d’un étage. Devant la chapelle se trouvait une olivette appartenant aussi aux frères Récollets. Roland Jolivet rapporte une anecdote trouvée sous la plume d’un chroniqueur anonyme. Sous l’olivette se trouvait une grotte utilisée comme carrière de sable, comme il y en avait plusieurs le long du Verdanson. Un moine y trouva la mort au XVIIe siècle, enseveli par l’effondrement soudain de cette grotte sableuse.
Au début de la Révolution, la chapelle des Récollets fut brièvement église paroissiale sous le vocable de Saint-François, en remplacement de Notre-Dame-de-Boutonnet, jamais reconstruite malgré les suppliques des habitants et les promesses des évêques. Confisqué comme bien national, désaffecté pour le culte pendant la Terreur, le couvent des Récollets suscite plusieurs projets. En 1791, le maire de Montpellier, Jean-Jacques-Louis Durand, envisage d’y installer un nouveau cimetière, sans aboutir. L’ancienne église accueille une prison de suspects, un hôpital militaire, puis une poudrière. Lorsqu’il obtient de disposer des lieux en 1805, l’évêque de Montpellier doit payer lui-même le déplacement de la poudrière dans de nouveaux locaux, route de Nîmes.
Avec l’ancien régime avaient disparu les séminaires diocésains. Le diocèse de Montpellier fait face à une pénurie de prêtres : en octobre 1806, il n'en reste que 249, pour la plupart des sexagénaires. 200 paroisses sont vacantes. Le concordat de 1801 rétablit les séminaires dans leur principe et les articles organiques, que le Consulat impose unilatéralement au Pape, les organisent l’année suivante. Selon les diocèses, la mise en œuvre est plus ou moins rapide. Il faut attendre 1807 à Montpellier pour qu’il s’installe dans l’ancien couvent des Récollets. La situation du clergé est pourtant critique. D’après Gérard Cholvy, un seul prêtre fut ordonné dans l’Hérault entre 1801 et 1811 ! L’inauguration solennelle a lieu le 23 mars 1807. Un cimetière y est adjoint, de 1811 à 1872. A partir de 1844, le conseil municipal y interdit toute inhumation autre que celles des ecclésiastiques et séminaristes. Tout ce qui a pu être retrouvé en fait de restes humains a été transféré dans l’annexe du cimetière Saint-Lazare dans les années 1960.
Dès sa refondation en 1807, l’évêque de Montpellier trouve ses ouailles bien à l’étroit dans le séminaire diocésain. Monseigneur Fournier séparerait volontiers le petit et le grand séminaire, mais il n’en a pas les moyens. Son successeur Monseigneur Thibaut réforme d’abord la direction du grand séminaire. Jusqu’ici confiée à des prêtres séculiers, elle est remise aux Lazaristes en 1844 alors que le petit séminaire reste aux prêtres séculiers. C’est à cette époque que le futur écrivain Ferdinand Fabre, qui se destinait à la prêtrise, fut élève au grand séminaire de Montpellier. En souvenir de cette période, la rue du séminaire est devenue plus tard la rue Ferdinand Fabre.
La place continuant à manquer et les locaux paraissant peu salubres, même pour les exigences encore rustiques de l’époque, les bâtiments sont surélevés d’un deuxième étage. Le bâtiment ne cesse d’être transformé tout au long du XIXe siècle, bouleversant de fond en comble tous les aménagements intérieurs. Le déménagement du petit séminaire dans l’enclos Farel permet de diminuer la surcharge des lieux. On put ainsi en 1896 remplacer la majeure partie des cellules par de vraies chambres.
Le journal du père Emprin, dont son biographe le père capucin Aloys cite des extraits, permet de se faire une idée des conditions de vie des séminaristes dans les années 1880. Charles Emprin entre au séminaire en octobre 1882. Le futur fondateur des Dames de la Charité fait partie des 105 élèves ecclésiastiques qui suivent en ce temps l’enseignement des pères Lazaristes. Pour le jeune séminariste, l’ancien couvent des Récollets est un lieu de retraite et de méditation autant que d’étude : « Me voici dans la maison du Seigneur, à l’abri des séductions du monde. Ah ! qu’il fait bon ici, au milieu du silence et de la solitude. Je n’avais pas goûté le charme d’être seul avec Dieu Je l’ai goûté !... ». Lieu de formation, le grand séminaire n’est pas alors un centre d’examen. C’est à Marseille que Charles Emprin présente ses examens de théologie, devant un jury composé de professeurs de la Faculté de théologie de Lyon. Puis il franchit les étapes de sa vocation. D’abord le port de la soutane, puis la tonsure et les ordres mineurs, avant de devenir sous-diacre en décembre 1884, puis diacre. C’est à ce moment-là que Dom Bosco séjourne pendant trois jours au grand séminaire, et fait forte impression auprès de Charles Emprin et de ses camarades. Enfin le 29 juin 1886, Charles Emprin est ordonné prêtre, au terme de quatre années scolaires de formation.
En 1901, les prêtres Lazaristes sont contraints à partir, leur congrégation n’étant plus autorisée en France. Les prêtres diocésains prennent quelque temps le relais mais leur refus de se soumettre aux inventaires prévus par la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 entraîna l’année suivante l’expropriation du couvent et de la chapelle des Récollets. Les séminaristes et leurs professeurs furent expulsés le 15 décembre 1906. Après avoir passé noël dans leurs familles, ils furent accueillis au grand hôtel de Palavas. Jusqu’à sa fermeture en 1973 faute de séminaristes, le séminaire poursuivit son enseignement dans l’écusson au 4 rue Montels.
Le département de l’Hérault acheta l’ancien grand séminaire en 1910 pour cent-mille francs-or et en fit ses archives départementales. Les archives s’accommodèrent longtemps de ces locaux vétustes, adaptés tant bien que mal à leur nouvelle fonction. En 1974, les planchers d’une partie des anciennes cellules s’effondrèrent sous le poids des documents qui y étaient conservés. La décision fut prise de détruire l’ancien grand séminaire à l’exception de la chapelle afin de disposer d’un dépôt moderne et adapté à ses fonctions. La destruction eut lieu en 1978, un an plus tard ouvraient les nouveaux locaux. Les archives connurent dans les années 1980 et 1990 une intense fréquentation, notamment due à la vogue de la généalogie, avant que la numérisation et les archives en ligne ne ramènent le flux des visiteurs de la salle de lecture à des niveaux plus modestes.
J’ai beaucoup fréquenté moi-même les archives dans les années 1990 et 2000, d’abord pour la généalogie puis aussi pour mon DEA d’histoire. J’étais heureux d’y aller en voisin. La salle de lecture offrait un beau panorama sur le parc de Pierre-Rouge et montrait sa chapelle sous un bel angle. En 2012, les archives ont déménagé à la Paillade, dans le nouveau bâtiment aussi démesurément beau que cher dû à l’architecte iranienne Zaha Hadid (1950-2016). Je n’y suis depuis allé qu’une seule fois.
Façade des anciennes archives départementales sur l'avenue de Castelnau - octobre 2018 (collection personnelle) |
Le collectif Luttopia 003 a ensuite occupé le site, y hébergeant jusqu'à 190 personnes avec
l’objectif de dénoncer la précarité. L’esprit d’entraide qui les animait était plutôt sympathique (la Gazette en fit un article bienveillant), mais la dégradation des lieux était manifeste et la plantation
du potager avait fait remonter des ossements de l’ancien cimetière à la surface.
L’expulsion annoncée au printemps 2019 a finalement eu lieu dans le calme fin mars 2021, avec une solution de relogement pour les occupants.
La chapelle
a été inscrite en totalité à l’inventaire des monuments historiques le 14 avril
2011. Après un projet d'archives métropolitaines porté par Philippe Saurel, le nouveau maire de Montpellier, Mickaël Delafosse, voulait y installer un nouveau groupe scolaire. Finalement le projet d'archives est relancé début 2024 pour une ouverture prévue en 2027.
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