Pierre-Rouge 21 : Les croix publiques du quartier : Boutonnet, Pierre-Rouge et Saint Lazare

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Croix de mission de Boutonnet  - octobre 2018 (collection personnelle)

En 1984, Henri Bressolette dénombrait 14 croix publiques à Montpellier. Trois se trouvent dans le quartier de Pierre-Rouge : les croix de Boutonnet, Pierre-Rouge et Saint-Lazare.

Il existe des croix publiques à Montpellier depuis le Moyen-âge. C’est le plus souvent une souscription des fidèles qui finance leur érection. La totalité des croix d’ancien régime a disparu pendant la Révolution. Toutes celles qui subsistent aujourd’hui ont été érigées au XIXe siècle. Depuis 1929, c’est la confrérie des Pénitents blancs qui en est propriétaire ou locataire et se charge de leur entretien. 

Croix de mission de Boutonnet dans son contexte urbain actuel - octobre 2018 (collection personnelle)

Il a existé dès 1776 une croix sur le carrefour où la rue du Faubourg-Boutonnet devient la route de Mende. Évidemment détruite pendant la Révolution, elle fut rétablie tardivement sous la Restauration, en fer et en 1821. 


Plaque commémorant la mission de 1821 - octobre 2018 (collection personnelle)

D’une hauteur de trois mètres, cette croix était une croix de mission, c’est-à-dire une croix commémorative d’une opération de restauration de la pratique religieuse construite autour d’un prédicateur ou d’un groupe de prédicateurs. 


Plaque commémorant la restauration de 1831 - octobre 2018 (collection personnelle)

Une des plaques fixées sur le socle commémore une restauration postérieure au 8 mars 1831 où des habitants du faubourg s’affrontèrent. Le contexte est celui d'émeutes favorables à la République, quelques mois après la révolution des Trois glorieuses qui a fait passer la France d'une monarchie à l'autre. Plusieurs épisodes violents ont lieu à Paris et dans les villes où les Républicains sont nombreux. Dans le Midi rouge, c'est le cas de Montpellier et du faubourg ouvrier et précocement déchristianisé de Boutonnet. Ceux qui voulaient conserver la croix sortirent vainqueurs. La croix de mission fut à nouveau restaurée en 1852. Aurait-elle été détruite ou abîmée lors de la Révolution de 1848 ou du coup d’État du 2 décembre 1851 ? Propriété de la ville, la croix de Boutonnet a été déplacée à deux reprises pour faciliter la circulation. Auparavant située devant le n° 155 de la rue du faubourg Boutonnet, cette croix propriété de la ville fut déplacée au centre du carrefour, puis à nouveau d’un mètre cinquante en 1980 suite à un accident qui la fit renverser par un poids lourd. Ce nouvel emplacement devait faciliter le passage des cars. Régulièrement restaurée, elle est un point de repère facilement identifiable à la limite du quartier.


Plan d'alignement de 1889, antérieur à l'érection de la croix de la Pierre-Rouge
(archives municipales de Montpellier 10Fi12, cliché de l'auteur)

Avant 1890, il arrivait que le carrefour de la Pierre-Rouge soit le lieu de réjouissances populaires, comme l'un des neufs bals populaires du 14 juillet 1888, comme le montre l'arrêté municipal de fermeture, qui dispose que de 8 heures du soir à 6 heures du matin, la circulation est interdite dans le voisinage ou le long des emplacements affectés aux bals populaires organisés celui de la Pierre-Rouge " sur le carrefour formé par la jonction des chemins du jeu de mail des abbés, de Montasinos, de Nazareth et l’ancien chemin de Castelnau." Est-ce pour décourager les réjouissances républicaines que de fervents catholiques choisirent le carrefour pour y ériger une croix ? 

Croix de la Pierre-Rouge dans son emplacement actuel - octobre 2018 (collection personnelle)

En 1890, la Pierre-Rouge dépendait de la paroisse Saint-Matthieu. C’est donc naturellement son curé, l’abbé Atgé, qui présida la cérémonie de première pierre de la croix de la Pierre-Rouge le 25 mars 1890. Le 7 avril 1890 qui était le lundi de Pâques, la croix de la Pierre-Rouge est portée par les hommes du quartier en partant de la Solitude de Nazareth. En bronze, longue de quatre mètres, la croix dut être bien lourde à déplacer. La procession passe par l’enclos Laffoux où elle s’arrête aux statues de la vierge Marie et de Saint Joseph. Dès 8 heures du matin, Mgr de Cabrières attend les fidèles chez le professeur Grasset et son épouse, née Barre. La croix est érigée sur un terrain à l’angle de la propriété au carrefour de la Pierre-Rouge. La croix est bénie par Mgr de Cabrières, qui pendant une demi-heure parle à ses fidèles nombreux et enthousiastes de l’amour de la Croix. Le soir, la croix est illuminée et la population s’assemble pour prier à genoux. En juillet 1913, Madame Grasset vendit le terrain contenant la croix et la propriété attenante à Mademoiselle Marguerite Laffoux, dame de la Charité. Cette propriété fut transférée à la société de l’enclos Saint-François qui y fit construire dans les années 1950 la résidence Laffoux qui correspond aux numéros 24 et 26 de l’avenue de Castelnau. En 1976, l’enclos Saint-François céda la propriété de la croix et du terrain où elle se trouvait aux pénitents blancs. 

Plan d'alignement de 1933-1934 qui montre l'emplacement initial de la croix de la Pierre-Rouge. Aurait-elle été déplacée une première fois dans les années 1930 ?  
(archives municipales de Montpellier, 10 Fi 12, cliché de l'auteur). 

Jusqu’en 1982, la croix de Pierre-Rouge se dressait à l’angle de l’avenue de Castelnau et de la rue du Jeu de Mail des Abbés. Elle était peu visible et presque oubliée sous la végétation qui l’enserrait. 


Croix de la Pierre-Rouge - octobre 2018 (collection personnelle)

La croix a ensuite a été déplacée à l’angle opposé du carrefour pour permettre le premier élargissement de la rue du Jeu de Mail des abbés et de la rue Montasinos. A cette occasion, le petit affluent du ruisseau de Chambéry et son lit sableux disparaissent. La croix a été restaurée ainsi que son entourage. Les tags sur le canissage de la clôture qui la surplombe ne sont pas du meilleur effet. 

L'ancienne croix du Peyrou dans son emplacement actuel au cimetière Saint-Lazare - octobre 2018 (collection personnelle)

Le cimetière Saint Lazare a reçu en 1861 l’ancienne croix de mission du Peyrou. Cette croix remonte a 1821. Elle se trouvait à l’origine sur la place Giral. Faite à partir du bois d’un immense chêne coupé en 1819 dans le parc du château de Castries, le transport de sa matière d’œuvre avait nécessité un attelage de douze chevaux. Le charpentier Vidal l’a façonnée sur le terrain de l’hôpital général. On y ajouta un imposant Christ en métal dû à un sculpteur avignonnais. En dépit de la noblesse de son matériau, la croix se dégrada rapidement et il fallut la déposer en 1857. Restaurée, protégée par un placage métallique, la croix est installée quatre ans plus tard à mi-chemin entre l’entrée principale du cimetière Saint-Lazare et la chapelle, sur la droite d’un carrefour d’allées. La croix a dû être restaurée en 1877, 1930 et 1970, cette dernière fois par des injections de ciment. D’une hauteur de dix mètres, elle est la plus imposante des trois croix du quartier.


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