Pierre-Rouge 25 : Saint-Léon, une paroisse à l'existence brève (1967-2003) et son école

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L'église Saint-Léon vue de la rue Ernest Castan - mars 2019 (collection personnelle)

L’église Saint-Léon est un édifice composite, assez modeste, qui traverse l’ilôt délimité au nord par la rue Castan, au sud par la rue Saint-Léon. Son terrain de 954 m2 est entouré au sud de maisons particulières. Au nord, côté ouest, c’est l’ancienne école Saint-Léon, qui était autrefois tenue par les sœurs de la Providence de Mende. A l'est, sur la rue Castan, se trouvent la salle paroissiale et le presbytère, assez modeste, à deux étages pour 150 m2 au sol et 100 m2 de jardin.

C’est l’œuvre des Faubourgs de Jules Maurin de Brignac qui commanda la chapelle Saint-Léon au début de la IIIe République. Cette association de bienfaisance finançait l'habillement des enfants pauvres afin d'encourager leur assiduité à l'école. Jules de Brignac (1841-1891), époux sans enfant de Marguerite de Calvières, était une des figures importantes de la noblesse bienfaitrice de l'Hérault, également à l'origine de l'église des Saints François.

La première pierre de la chapelle Saint-Léon est posée en 1875 par Mgr de Cabrières. En 1891, la nécrologie de Jules Maurin de Brignac dans L'Eclair dit de l'église (sic) Saint-Léon qu'elle fut "presqu'immédiatement fermée par les crocheteurs."

Partie basse de l'autel offert par Henri de Lunaret en 1875 - mars 2019 (collection personnelle)

Henri de Lunaret fait cadeau de l’autel, dont la partie basse a été conservée et déplacée après le changement de liturgie du concile Vatican II. La chapelle reste longtemps inachevée et se limite à un chœur et à un transept, dans un style roman qui imite une église de village primitive. La voute en cul de four est joliment proportionnée, de même que les trois étroites fenêtres de chœur, dont les vitraux actuels sont abstraits. Les murs extérieurs sont crépis. La chapelle est desservie par les Carmes jusqu’en 1903, où elle est fermée, au moment où se prépare la séparation des Églises et de l’État.

En 1908, la chapelle Saint-Léon est rouverte, comme annexe de la paroisse Saint-Matthieu. 

Ancienne école Saint-Léon, à l'angle des rues Castan et Canton - octobre 2018 (collection personnelle)

Elle sert également de chapelle à l’école Saint Léon, installée à l’angle de la rue Canton et de la rue Castan depuis 1882 sur un petit terrain de 660 m2. D’abord tenue par les Sœurs minimes de la doctrine chrétienne, c’est une école mixte qui accueille gratuitement jusqu’à 30 enfants pour un effectif total de 82 élèves en 1901. Mère Dorothée encadre alors 7 autres religieuses. Les locaux sont assez modestes comparés à ceux d'autres écoles religieuses du quartier et ne valent pas plus de 30.000 euros. Il existait une succursale presqu'aussi importante à Celleneuve. 

Ancienne cour de récréation de l'école Saint-Léon - octobre 2018 (collection personnelle)

Une interruption a lieu pendant la période d’entrée en vigueur de la séparation des Églises et de l’État. En 1913, les sœurs de la Providence de Mende prennent le relais et rouvrent l’école en 1917. 

La fin tragique d'une jeune institutrice : 

Le lundi 6 juillet 1931 vers 15 heures, un jeune couple se présente à la réception de l’hôtel Royal, rue Maguelonne pour obtenir une chambre. L’homme commande à la bonne de lui monter une bouteille de Champagne choisie sur la carte des vins. Une fois servi, l’homme demande la note et annonce qu’il redescend pour s’inscrire sur le registre et payer. Ne les voyant pas redescendre, la bonne de l’étage finit par s’en inquiéter.  

Ensuite l’heure varie selon les journaux entre 20 heures, pour Le Petit Méridional, 22 heures pour Le Sud et 23 heures pour L’Eclair. Dans tous les cas, le propriétaire de l’hôtel fait venir le commissaire Labro, après avoir constaté l’absence de réponse, et suspectant un drame, fait percer un trou dans la porte pour s’en assurer. 

Derrière la porte qu’il a fallu enfoncer, le commissaire du 2e arrondissement constate que les deux jeunes gens sont morts. Le docteur Escalon constate le décès, qu’il attribue aussitôt au cyanure de potassium, dont il reste une boîte dans la table de nuit. 

Sur la table de nuit, ils trouvent la bouteille de Champagne à peine entamée, les deux coupes pas tout à fait vidées, un revolver chargé de six balles dont le couple ne s’est pas servi, le sac à mains et les gants de la femme.

Le couple a laissé cinq lettres, qui permettent de les identifier. Félix, 31 ans, était quincailler au 53 rue Lunaret (son frère était employé d’octroi). Son commerce vendait de la droguerie, ce qui lui a permis d’accéder facilement au cyanure de potassium. 

Simone Cau, 22 ans, était institutrice à l’école Saint-Léon d'après Marie-Josée Guigou (la presse est muette sur son métier). Son père était contrôleur des contributions indirectes. Simone vivait rue de l’imprimerie, villa des dahlias. Chacun a écrit une lettre à ses parents, les autres lettres sont destinées au commissaire, à la loge maçonnique Egalité travail, dont Félix était un initié et la dernière à Maître Bourrel, un notaire de Nissan. 

Commerçant estimé, jouissant d’une bonne réputation dans le quartier, il connaissait depuis longtemps la jolie institutrice qui venait bavarder avec lui devant sa boutique. Les fiançailles étaient récentes, le mariage était prévu pour le 8 août. 

D’après le Petit méridional, les parents refusaient leur consentement, en particulier la mère, du fait des convictions de libre penseur de Félix, qui s’opposait absolument à un mariage religieux. 

L’Eclair, fidèle à sa ligne conservatrice, plaint dans son compte rendu les parents « si durement frappés » mais pas les défunts.

Dans la lettre adressée au commissaire, Félix demandait qu’il n’y ait pas d’autopsie, que les objets et bijoux qu’ils portaient soient laissés sur eux et que leurs obsèques soient civiles et de 1ère classe. L’enveloppe contenait aussi une assez forte somme pour acheter des fleurs. Simone y avait ajouté cette demande qui hésite entre le touchant et le glauque : ne pas réclamer son traitement de juin pas encore payé et demander qu’il soit utilisé pour payer un goûter aux enfants de l’école de l’enfant Jésus.

A minuit trente, les constatations achevées, le commissaire Labro s’acquitte de son pénible devoir de prévenir les familles. 

La volonté de Félix d’avoir des obsèques civiles fut respectée, celle de Simone, inhumée à Carcassonne au caveau de famille, sans doute pas.

La fermeture de l'école

L’école fonctionne jusqu’en 1985. La cour de récréation était petite. Les institutrices conduisaient leurs élève jusqu’à la villa-Savine pour y faire du sport dans la cour de récréation des grands à l’école des anges gardiens. Les soeurs étaient très investies dans la paroisse, notamment dans la chorale. En 1985, l’école ferme et les sœurs de la Providence fusionnent avec les Servantes des pauvres de Jeanne Delanoue. Les locaux sont actuellement utilisés pour l’accueil de jour de l’enclos Saint-François et d’autres associations. 

L'église vue depuis le bas de la nef - mars 2019 (collection personnelle)

En 1967, Saint-Léon devient paroisse de plein exercice. C’est le père Henri Macabiès qui achève les travaux. Une nef très simple, néanmoins dotée d’une élégante charpente apparente en bois, permet d’augmenter la capacité de l’édifice. 

Tabernacle de Saint-Léon - mars 2019 (collection personnelle)

Les murs du chœur laissent désormais apparaître leurs pierres et un tabernacle contemporain vient orner le transept ouest. 

Au père Macabiès succéderont les pères Pinel, Pierre Carcaly (ordonné prêtre le 19 mars 1959, décédé le 26 février 1986 à Montpellier), René Dejean (décédé à Sète le 2 mai 2010) et Michel Ricôme, jusqu’à sa fusion avec la paroisse cathédrale, annoncée le 8 juin 2003 par l’archevêque Guy Thomazeau avec la réorganisation des paroisses du diocèse de l’Hérault. Le département passe de 367 à 67 paroisses, afin d'atténuer les effets de la diminution du nombre de prêtres. 

Orgue de Mgr Roucairol - mars 2019 (collection personnelle)
Dans le transept droit existait jusqu’en 1992 un orgue bien modeste. Cette année-là, Mgr Joseph Roucairol (1918), archiprêtre de la cathédrale et organiste à la discographie assez impressionnante, lègue à la paroisse son orgue personnel, qu’il avait fait construire en 1983 par la manufacture languedocienne de grandes orgues, alors dirigée par Georges Danion.

La chapelle de semaine - mars 2019 (collection personnelle)

Dans la continuité de l'église et de sa sacristie, il existe deux salles paroissiales et un presbytère. La première salle paroissiale accueillait autrefois des réunions et le partage biblique du vendredi, elle est désormais consacrée au néocatéchuménat. La deuxième salle sert de chapelle de semaine, qui permet de célébrer la messe quotidienne sans ouvrir la grande église, difficile à chauffer l'hiver.

L'ensemble des sources utilisées pour l'écriture de ce blog est disponible ici.

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