Pierre-Rouge 23 : le Refuge - les soeurs de Moissac
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Charlotte Séguier, duchesse de Sully puis duchesse de Verneuil (Domaine public - origine Gallica : ark:/12148/btv1b84076892) |
La duchesse de Verneuil (1622-1704), fille du chancelier Séguier, était l'épouse en secondes noces du gouverneur de Languedoc. Ce fils légitimé du roi Henri IV avait fait d'elle une tante de Louis XIV par leur mariage. Le duc de Saint-Simon, à la plume toujours vacharde, écrivant d'elle qu'elle avait dans son vieil âge "encore grande mine et des restes d'avoir été fort belle". En 1677, la duchesse voulut d'établir à Montpellier une "maison de refuge", sur le modèle de Notre-Dame-du-Refuge à Toulouse. Les sœurs augustines de Notre-Dame du Refuge avaient pour but de « ramener à la vertu les femmes et filles libertines ou en danger moral » depuis 1624, de gré… ou de force. La duchesse emprunta à cette maison trois religieuses afin d'encadrer une vingtaine de pénitentes. L'implantation initiale du Refuge se trouvait impasse Jonquet dans le nord de l'écusson. Comme tant d'autres, cette fondation religieuse disparut à la Révolution Les soeurs furent expulsées en 1792.
L'ancien Refuge, 38 rue Lakanal - octobre 2018 (collection personnelle) |
La congrégation est reformée en 1820, rachète l'enclos Bourgoin au faubourg Boutonnet en 1845 et s'installe dans ses nouveaux locaux, 38 rue Lakanal, en 1847. Leur aumônier fut un temps le père Coural dont j'ai déjà évoqué l'oeuvre principale, la Solitude de Nazareth.
Dans leur article 1er, les statuts en vigueur en 1906 leur donnent pour but « 1° de ramener aux bonnes moeurs, aux vertus chrétiennes, à l’amour d’une vie laborieuse, les personnes de leur sexe qui s’en seraient écartées ; 2° de donner asile à celles dont l’innocence se trouvant exposée auraient besoin d’être aidée dans la volonté de se soustraire au danger, et à toutes celles que de mauvaises inclinations, un caractère difficile à former, ou une éducation très négligée ne permettraient pas, vu leur âge, d’associer aux jeunes enfants qui composent ordinairement les pensionnats. »
timbre à sec de Notre Dame du Refuge - fin du XIXe siècle (source : archives municipales de Montpellier 1 P 26 - cliché de l'auteur) |
Après 1906, à une date que je n'ai pas pu déterminer, ce sont les franciscaines de Grèzes qui succèdent aux augustines. Les franciscaines de Grèzes ont fusionné en 1973 avec huit autres instituts, avant de se fondre en 2004 dans un nouvel ensemble franciscain de droit pontifical avec six autres congrégations. Le 38 rue Lakanal abrite aujourd'hui la maison générale des soeurs de Saint-François d'Assise. Elle accueille pour des retraites des religieux et des laïcs.
Le Refuge, dit l'abbé Broca en 1988, a disparu depuis longtemps. Sans doute en 1945 au plus tard. En effet, le lycée privé Turgot, spécialisé dans les filières professionnelles, occupa de 1960 à l'an 2000 une partie des bâtiments du refuge. Créé sous contrat simple en 1960, cet établissement spécialisé dans les carrières sanitaires et sociales se trouve actuellement rue Pierre Flourens. Il est l'héritier d'une association créée en 1945 par le professeur Lafon afin de former des aides ménagères et des employées de bureaux qualifiées.
Les anciens locaux du lycée sont actuellement occupés par une structure d'accueil thérapeutique pour personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer et de soutien pour leurs aidants, l'association Ciel bleu.
Les anciens locaux du lycée sont actuellement occupés par une structure d'accueil thérapeutique pour personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer et de soutien pour leurs aidants, l'association Ciel bleu.
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Emplacement de l'ancien couvent des soeurs de la Miséricorde de Moissac à l'angle des rues Lakanal et Jugan mars 2019 ( collection personnelle) |
L’ordre des sœurs de la Miséricorde de Moissac a été fondé à Moissac en 1804. Après plusieurs essaimages (Agen, Cahors, Montauban, Marmande...) les religieuses demandent en 1859 l'autorisation de fonder une maison à Montpellier. L'installation se fait la même année, en considérant que l'autorisation est une simple formalité. Pourtant leur autorisation est d'abord refusée, au motif d'une confusion possible avec l'oeuvre de la Miséricorde déjà présente à Montpellier. En février 1860, le préfet fait pression sur le maire de Montpellier pour faire lever cette opposition. Jules Pagézy s'exécute de mauvaise grâce et l'autorisation est donnée en 1862. Dans le langage courant, les religieuses furent toujours appelées simplement les soeurs de Moissac. En 1866, le même Pagézy visite la jeune communauté. A cette date là, les soeurs de Moissac accueillent entre 260 et 280 jeunes filles, organisées en cinq classes. Une des classes est consacrée à la formation professionnelle. L'oeuvre accueille également des orphelines, gratuitement. Les soeurs soignaient aussi des malades tout aussi gratuitement. Peu après la visite du maire, Mère Marie-Adélaïde écrit à Jules Pagézy pour lui demander de faire augmenter le secours de 500 francs que la municipalité a versé en 1866. Les difficultés financières de la communauté semblent sans lendemain puisque les soeurs acquièrent en 1872 le jardin de leur voisin M. de Lanzade de Jonquières pour la somme de 4374 francs or.
Comme les autres, les soeurs de Moissac connurent des temps difficiles au tout début du XXe siècle. Le 10 mai 1901, sous le titre "Sang gêne clérical", le Petit méridional fait paraître l'article suivant : "Nous avons reçu la communication suivante : « Hier matin, vers 9 heures, les soeurs de Moissac se sont crues autorisée à contrevenir à un arrêté municipal. Voici les faits sans commentaires. Une centaine de jeunes filles de 6 à 13 ans, vêtues de blanc, écharpes bleues, tenant une petit bannière bleue, faite de fleurs bleues et blanches - quatre bannière blanches portant au fond, les unes le Sacré-Coeur de Jésus (patron de la France), d’autres le Sacré-Calice et l’Hostie - le tout accompagné des soeurs précitées, suivies de quelques parents, ont parcouru la rue de Moissac, rue Jugan, quai des Tanneurs, pont de Boutonnet, place de l’Hôpital, rue des Carmes et sont rentrées à la cathédrale." Saisi par le maire suite à l'article, le commissaire central établit un rapport le jour même qui ramène les choses à de plus justes proportions : ce défilé des communiantes du couvent à la cathédrale est une tradition annuelle qui n'a provoqué aucun incident sur la voie publique.
La même année, un rapport de police permet de connaître les effectifs, en baisse par rapport aux années 1860. L'établissement n'accueille plus que 150 élèves, dont 12 internes qui sont toutes orphelines. La scolarité est gratuite pour toutes. Le couvent s'étend alors sur près de 2900 m2. Il comprend un bâtiment principal avec des classes et des dortoirs pour les soeurs et les pensionnaires, une cour de récréation, une chapelle et un jardin d'agrément. L'ensemble est estimée 75.000 francs or.
Après la séparation des Eglises et de l'Etat, d'après un rapport du maire au préfet en 1911, les soeurs louent leurs locaux à M. Galonnier, qui prolongeait leur utilisation première en y tenant une pension pour jeunes filles.
rue de Moissac, la façade de la chapelle des soeurs de Moissac se trouvait dans l'axe de la rue - mars 2019 (collection personnelle) |
Leur couvent se trouvait à l’angle des actuelles rues Lakanal et Jugan, au 27 de la rue Lakanal. Leur chapelle était dans la perspective de la rue de Moissac qui conserve leur souvenir. Il ne reste rien de leur couvent qui a fait place à un immeuble d’habitation dans les années 1960. Je n'ai malheureusement pu trouver aucune image de cet ancien couvent.
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