Pierre-Rouge 57 : La desserte du quartier par les bus et les tramways

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Intérieur de l'usine du tramway à Castelnau cliché Davail Guchens
(sans date - collection personnelle de l'auteur)

A chaque changement de service, jusqu’à celui de l'hiver 1991-1992, mon grand-père se rendait à l’arrêt « Montasinos » de la ligne 11 de la SMTU et relevait les nouveaux horaires sur un brouillon. Rentré chez nous, il les recopiait soigneusement sur une fiche bristol qu’il punaisait derrière la porte de la cuisine, à côté du calendrier des postes. Il n’y avait pas de bus le dimanche et rarement plus de 3 ou 4 par heure les jours de semaine. C’était un moyen de transport pour ceux qui n’avaient pas de voiture. Aujourd’hui quand je séjourne à Montpellier et que je quitte la maison, je ne remonte plus la rue de Montasinos, doublée en largeur en empiétant sur la Solitude de Nazareth, mais je descends le jeu de mail des abbés, attentif à la sonnette du tramway qui me fait parfois courir sur les derniers mètres pour ne pas attendre le suivant. Je ne regarde plus jamais les horaires, sachant que même un dimanche, je n’aurai jamais aussi longtemps à attendre. Le public s’est diversifié, le secteur piéton s’est étendu et beaucoup de ceux qui n’auraient jamais eu l’idée de monter dans un bus trouvent tout naturel de prendre le tramway. 

Le tramway de Montpellier a connu trois époques. La première, éphémère, est celle du tramway à cheval, de juillet 1880 à 1883. Un premier tramway électrique a fonctionné de 1897 à 1947. La dernière époque est celle du réseau actuel.

Le tramway à cheval

Le projet date de 1875. En décembre, l’ingénieur civil Léon-Emile Franq et son associé Lamm déposent un projet qui tarde à être concrétisé car la ville voudrait n'avoir à s'occuper de rien. Or le directeur des Ponts et chaussées impose à la municipalité, par l’intermédiaire du préfet de l’Hérault, de rester garantes d’obligations que lui impose le cahier des charges (28 février 1876). Le conseil municipal vote la concession à Léon Franq le 27 octobre 1876. Elle est accordée le 15 mars 1877 pour une durée de 50 ans. Mais le coût des travaux, sous-estimés au départ, dépasse les capacités des deux associés, qui rétrocèdent leur concession à la Compagnie de Omnibus de Marseille. 

Les travaux sont menés à la va-vite et l'affaire est décidément mal engagée. Faute d'archives identifiées ou de plan figuré, je n'ai pu établir le tracé du réseau avec précision. Les deux premières lignes, dont celle de Castelnau à Montpellier via le cimetière Saint-Lazare, ouvrent en juillet 1880. Mais d''emblée, l'exploitation est émaillée d'incidents. Un accident est relevé par le petit Méridional le 13 septembre 1880 : une voiture à impériale avait déraillé la veille pendant l'après-midi, lors de sa sortie du garage proche du cimetière Saint-Lazare. Parmi les trente-huit voyageurs, quelques contusions, un homme blessé à la tête, une femme à la main. Le terrain a cédé sous le poids de la voiture. Il est vrai qu'avec 16 passagers autorisés par voiture sans impériale, on peut se demander si le poids autorisé en charge était bien respecté. A la suite de cet accident, le préfet propose au directeur de la compagnie « d’élargir de 0,50 cm (sic) le terre plein existant aujourd’hui le long de l’avenue du cimetière, entre la voie du tram et le fossé.» La suite de l'exploitation reste émaillée de maladies des chevaux et de bris de roue.

La ligne de Castelnau via le cimetière Saint-Lazare commençait son service à 9h00 au départ de la place de la Comédie et faisait son parcours en une petite demi-heure, avant de repartir de Castelnau à la demie. A l'ouverture du réseau, 6 allers retours se succédaient dans la journée à 9h00, 11h00, 13h00, 14h00, 15h00 et 16h00. Au vu de ces horaires, les usagers utilisent le service pour aller faire des courses ou traiter des affaires en ville, mais l'amplitude restreinte ne permettait pas d'aller au travail et d'en revenir. Le service est cependant étoffé à partir de l'été : le journal L'Eclair annonce dans son édition du 13 juillet 1882 que "tous les jours une voiture partira à 7 heures du faubourg de Nîmes pour Castelnau et à 7 heures 1/2 de Castelnau pour la gare". Le tarif de 30 centimes le trajet entre Montpellier et Castelnau est en outre jugé excessif par les habitants de Castelnau qui font paraître le texte d'une pétition le 17 avril 1882 : « la population du bourg de Castelnau-le-Lez (…) composée d’ouvriers et de petits commerçants dont les ressources restreintes ne leur permettent pas de bénéficier du moyen de locomotion créé cependant pour eux, si le tarif en vigueur et maintenu ». On le verra plus loin, chaque usager a des arguments pour trouver que c'est trop cher.

Les usagers se plaignent en novembre 1880 que le service se fait encore avec des voitures ouvertes, les voitures fermées attendues en octobre n'étant toujours pas livrées. Elles ne le sont qu'en décembre, mais en nombre insuffisant. Le 15 février 1881, le Petit méridional constate que pour faire face à l'afflux des voyageurs sur la ligne de Castelnau, au lieu de commander de nouvelles voitures, on a repris une voiture sur deux de la ligne de Boutonnet. Le dimanche, les voitures sont régulièrement surchargées et prennent plus que les seize passagers autorisés. Le 7 juillet 1881, c'est cette fois le service d'été qui n'est pas encore en place, ce qui gêne les "propriétaires des maisons de campagne, situées dans la direction des voies de tramways, qui ne peuvent plus être en ville à 7 et 8 heures du matin. Ainsi, de Castelnau, le 1er départ du matin pour la ville n’a lieu qu’à 8h30, l’année dernière à cette époque, on partait à 6 heures." En septembre, le journal récrimine cette fois sur l'absence de logique des tarifs : "Pourquoi le trajet de la gare de Montpellier jusqu’à Castelnau ne coute-t-il que 30 cts, alors que le trajet du faubourg de Nîmes au cimetière Saint-Lazare coûte 25 cts, soit 5 cts de moins seulement ? "

Le service a été interrompu une première fois du 2 au 6 octobre 1882, puis définitivement à partir du 6 février 1883 sur décision du syndic de faillite. En juin 1883, le conseil municipal vote l'enlèvement des voies après l'échec des tentatives de nouvelle adjudication qui sont restées infructueuses malgré les baisses de prix successives qui ont démontré pour la municipalité que le tramway à cheval n'était pas rentable en l'état.  En juillet, le conseil municipal refuse de s'associer à la demande de celui de Castelnau pour maintenir spécifiquement cette ligne. Au conseil municipal de septembre, un rapport constate que sur cette ligne "Le matériel et les chevaux, impuissants à transporter les dimanches et jours de fête la foule des promeneurs, chôment pendant la semaine, grevant l’exploitation de frais considérables."

Où étaient l’entrepôt et les écuries de l’éphémère tramway à cheval, que Grasset-Morel situe de façon vague dans le clau de Mascle ? Le père Aloys, biographe du père Emprin, indique que ses bâtiments furent dans les années 1890 utilisés par le père Emprin pour y loger ses apprentis orphelins. D’après lui, le père Emprin avait acheté cette propriété à un M. Dussol. Frédéric-Jacques Temple le cite parmi les acquisitions d’entre-deux-guerres du père Prévost pour agrandir les propriétés de l’enclos Saint-François. Paul Génelot, dans son ouvrage sur la gare de Montpellier, le situe à la bifurcation de la route de Nîmes et de l’avenue Saint-Lazare. Dans un autre passage, il indique qu’il se trouvait au lieu-dit de l’Orangerie. La société archéologique de Montpellier, dans une note datant de 1882 et donc contemporaine du fonctionnement de ce service, dit que le dépôt est à l’embranchement des routes anciennes et nouvelles de Castelnau, au jardin de Villeneuve plus tard appelé le clos d’Aiguilhon puis le clos de Mascle. Par recoupement de ces auteurs et des documents figurés de la série i, je le situe dans les bâtiments anciens de l'actuelle école des Beaux-Arts. Les remises et écuries ont été vendus en 1883 dans le cadre de la liquidation de la compagnie. Mais les locaux sont inoccupés et les intrusions se multiplient. Le propriétaire signale des dégradations ; les voleurs ont même emporté des poignées de porte ou utilisé les écuries pour des chevaux. En février 1885, L'Eclair relate une intrusion "dans l'ancien établissement des tramways qui est entouré d'un double mur de clôture". Urbain Ferrié, le domestique que le propriétaire des lieux avait posté pour surveiller les lieux, surprend trois individus et parvient a en arrêter un. Conduit au poste, celui-ci donne le nom de ses complices. Armé d'un fusil de chasse alors qu'il neigeait, l'individu a tiré plusieurs coups de feu dont les traces étaient visibles sur les murs. 

En août 1885, l'ancien dépôt des tramways est aménagé sommairement pour accueillir la conférence de Louis Calla, député monarchiste de la Seine qui allait échouer à être réélu en octobre suivant. Mais les intrusions et les dégradions continuent. Suite au vol de la chaîne et du cadenas qui ferment le grand portail en bois, M. Dussol, le propriétaire, fait insérer une lettre dans L'Eclair le 12 décembre 1885, où il accuse le fils d'un agent de police d'être parmi les cambrioleurs. Il menace désormais de se faire justice lui-même en armant son domestique d'un fusil. 

En 1893, une épidémie de choléra dans l'asile d'aliénés (qui est encore à l'hôpital général Saint-Charles et pas encore sur l'actuel site de la Colombière), conduit les autorités à utiliser l'ancien entrepôt des tramways à cheval pour évacuer les malades. 

Les omnibus à cheval

Un service d'omnibus à cheval prend le relais pour dix ans en 1883. La presse locale rend compte régulièrement des horaires de la société de M. Pourquier pour la ligne Comédie - Castelnau. Ainsi à l'été 1884, sept allers retours sont assuré du 1er juin au 30 septembre : départ Comédie 8h, 9h, 11h, 13h, 14h, 17h, 18h, retour depuis Castelnau à la demie suivante. Jeudi et dimanche, des départs facultatifs supplémentaires sont assurés. Le service est très proche de celui du tramway à cheval, voire légèrement supérieur. L'hiver le service compte le même nombre de trajets, mais l'horaire est resserré de 9 à 17 heures avec des trajets supplémentaires à 15 et 16 heures. 

En 1893, le décès de M. Pourquier laisse les Montpelliérains à pied car personne ne prend sa succession. 

Le premier tramway électrique

Tramway Brill vers 1910 place de la Comédie 
(Image issue de la collection de Paul Génélot - domaine public)

Le 6 novembre 1892, le conseil municipal examine la proposition de M. Valette, de Toulouse, de faire installer un chemin de fer "Decauville" entre Castelnau et Montpellier. Ce chemin de fer à voie étroite (60 cm de large au lieu de 143,5 cm en voie standard) ne fut jamais autorisé en France pour le transport des voyageurs, en dehors d'une expérimentation pour l'exposition universelle de 1889 puis au jardin d'acclimatation de Paris. 

Plan de la compagnie du tramway électrique de Montpellier
(AM Montpellier 547 / NC 5408)

Le deuxième réseau a lui bel et bien desservi le quartier. Prévu dès 1895, il a connu différents retards, comme souvent les chantiers d'ampleur. Le contrat avec les concessionnaires Cauderay, qui exploite déjà le tramway de Châlons-sur-Marne, et Valette, conclu pour une durée initiale de cinquante ans, n'est signé que le 15 février 1897. Il stipule notamment, dans son article 4, que « les voitures ne comporteront qu’une seule classe, tant à l’intérieur que sur les plates-formes. Elle devront contenir au moins vingt-quatre personnes. Les voitures destinées au transport des voyageurs seront du meilleur modèle, fermées à glaces mobiles et munies de stores ; elle seront éclairées au moyen de cinq lampes électriques. »

Le tramway boulevard Bonne nouvelle
(détail d'une carte postale ancienne sans date - collection de l'auteur)

Lors de son ouverture complète le 20 novembre 1898, la ligne 3 de l’ancien tramway partait de la place de la Comédie, suivait le boulevard Sarrail, le boulevard Bonne nouvelle et la descente En Barra. Le tracé faisait ensuite un virage à droite pour prendre la rue Michel-Vernière et franchir le Verdanson par le pont des abattoirs. Le tramway prenait ensuite la rue des patriotes (actuelle rue Proudhon), puis le « chemin vicinal ordinaire n°33 qui passe par la Pierre-Rouge », c’est-à-dire l’ancien chemin de Castelnau et desservait le cimetière Saint-Lazare avant d'obliquer vers la route de Nîmes. Il poursuivait ensuite son trajet de l’autre côté du Lez, par l’actuelle place Charles de Gaulle et la route qui est devenue l’avenue Aristide Briand avant d’atteindre son terminus, sur l’actuelle place de la liberté. En dehors des terminus, la ligne n’avait pas d’arrêts au sens actuel. Le wattman stoppait son véhicule à la demande. Aller de la Comédie à Castelnau-le-Lez coûtait 20 centimes. Si on s’arrêtait à la Pierre-Rouge, au début du chemin de Castelnau, c’est-à-dire à mi-parcours, le billet ne coûtait que 10 centimes, et 15 centimes pour s'arrêter au cimetière Saint-Lazare. Les tickets vendus permettaient la correspondance mais les aller retour ne pouvaient être achetés que pendant la première heure du service, laissant ensuite toute liberté au détenteur d'utiliser le retour à l'heure de son choix le même jour.

Tram au niveau de l'ancienne porte du Pila Saint-Gély (carte postale sans date - collection de l'auteur)

A certaines heures de la journée, le tramway transportait un sac de courrier déposé dans un coffre fermé auprès duquel s'asseyait un convoyeur de l'administration des Postes.

Usine des Tramways, de l'autre côté du Lez (carte postale non circulée - collection de l'auteur)

Les ateliers techniques et la centrale d'électricité sont construits à Castelnau, immédiatement après le pont sur le Lez, à droite en venant de Montpellier, sur 6200 mètres carrés de surface pris dans l'ancienne propriété Baumel. La remise, un carré de 34 mètres de côté pouvait accueillir 40 véhicules L'architecte est un Monsieur Deschanels qui explique le choix de l'emplacement par la nécessité d'avoir de l'eau près de la génératrice électrique, accueillie elle dans un local de 14 mètres sur 15 mètres. Il en circule quelques photos sur le marché de la collection, mais le tarif demandé est assez dissuasif. 

Type d'implantation utilisé ancien chemin de Castelnau (AM Montpellier 547 / NC 5408)

Le 14 janvier 1899, un accident survient entre la motrice 3 et une jument de l’armée. Le wattman Calmes se voit réclamer 100 francs de dommages et intérêt par les militaires pour la dépréciation de la jument Lisette. C’est un mois de son salaire.

En 1922, à l'occasion de l'extension du cimetière Saint-Lazare, la voie de tramway est déplacée vers le sud en bordure de la nouvelle enceinte et ne dessert plus la place du souvenir français, mais ce qui sera plus tard l'avenue de la Reine Hélène d'Italie.

Tram au départ de Castelnau (sans date - collection de l'auteur)

En 1930, le réseau de bus urbains vient compléter celui des tramways. Ils appartiennent tous les deux à la compagnie montpelliéraine de tramways électriques. La ligne 3 du tramway a fusionné avec la ligne 5 et fonctionne en continu de Castelnau-le-Lez à Celleneuve.

Départ du tramway depuis Castelnau (carte postale non circulée - collection de l'auteur)

Edmonde Faucon a livré un témoignage sur les sensations éprouvées lorsqu'elle était enfant "Très impressionnant, pour mes yeux de petite fille. Ne serait-ce que par le bruit de ferraille qu'émettaient ses grosses roues métalliques, glissant sur les rails incrustés dans les pavés de la ville. Le trolley (sic) me faisait un peu peur à cause des étincelles qui s'échappaient de son contact avec la ligne aérienne d'électricité. (...) Les sièges de bois encaissaient mal les chaos (sic) et le tangage imposés par le wattman, qui debout à l'avant, impassible, manoeuvrait un grosse manivelle horizontale."

Billet de tram de Montpellier (sans date - collection de l'auteur)

Le fils de Joseph Conrad, qui a séjourné en ville dans les mêmes années, témoigne lui aussi de la conduite brusque des wattmen montpelliérains : "nous commençâmes tous les deux à explorer la ville, en empruntant les trams sans impériale qui étaient conduits à une vitesse folle par les plus bienveillants des types ; nous fûmes bientôt dans les meilleurs termes avec la plupart d'entre eux. Nous avons dû ainsi parcourir plusieurs fois le moindre kilomètre du réseau des tramways de Montpellier, en nous tenant toujours sur la plate-forme du conducteur (...). Certains me hissaient volontiers devant eux sur la rambarde afin que je puisse assister aux manoeuvres (...). Ainsi perché, ma position précaire m'obligeait souvent à me retenir à la manche du conducteur, quand un virage plus raide que d'habitude nous faisait cahoter, mais cela ne paraissait pas l'inquiéter du tout."

A partir de février 1938, chaque ligne de tramway est exploitée en 3 sections. Celles de la ligne Comédie - Castelnau comprend : 
1° Comédie - Pierre Rouge 
2° Pierre-Rouge - Saint-Lazare
3° Saint-Lazare - Castelnau

Le témoignage d'Alain de Lène Mirouze m'a confirmé que le tramway s'arrêtait à la chapelle des Récollets puis remontait l'avenue de Castelnau jusqu'à l'arrêt suivant, au carrefour de la Pierre-Rouge. 

Pendant la guerre, « afin d’éviter la dépense de courant que représente la remise en marche de la voiture après la montée ou la descente d’un ou deux voyageurs » le nombre des arrêts diminue. Ainsi à partir du 18 octobre 1941, sur l'avenue de Castelnau, l'arrêt "rue Abert" est fusionné avec l'arrêt "Enclos Laffoux", l'arrêt "place de l'abattoir" est supprimé. 

Un accident meurtrier le 16 décembre 1943 scelle le sort du tramway. Comme dans la plupart des villes françaises, il disparait très vite après la guerre. La ligne 3 est la dernière à fermer en 1949. 

Les bus de la RMT puis de la CMT

Sur la place de Castelnau, les bus ont remplacés les trams (carte sans date - collection de l'auteur)

En 1949, la ville ne compte que 4 lignes de bus qui sont exploitées depuis 1947 par la RMT (régie municipale des transports). Ce nombre augmente peu à peu et atteint les 11 lignes en 1966.

Au milieu des années 1950, ma famille acheta sa première voiture. Une Simca 8 d’occasion. Ce n’est que dans les années 1960 qu’arriva notre première voiture neuve, une Dauphine Renault. Mais la voiture était bien davantage un outil d’excursion ou le moyen d’aller acheter des patates ou du vin en gros route de Nîmes. On allait peu en ville avec elle. 

La ville ne compte alors que 4 lignes de bus qui sont exploitées depuis 1947 par la RMT (régie municipale des transports). Ce nombre augmente peu à peu et atteint les 11 lignes en 1966.

Détail du plan de réseau de la CMT en décembre 1973

La ligne 4 et la ligne 7 de la CMT sont les descendantes de l'ancien tramway. La ligne 4 reprend la desserte du cimetière Saint-Lazare et de Castelnau-le-Lez, mais au plus court, sans desserte du quartier autre que par une avenue Saint-Lazare encore peu urbanisée. Le plan de décembre 1973 montre une fréquence alors relativement élevée d'un bus par quart d'heure. La vitesse commerciale est faible (9,2 km/h). La ligne 7 elle reprend l'itinéraire traditionnel par l'avenue de Castelnau mais arrivée à la Pierre-Rouge, elle oblique dans l'encore très étroite rue de Montasinos pour desservir le bas de l'Aiguelongue où une population nouvelle est venue s'installer dans des immeubles alors neufs.

Bus Brossel - ligne 7 de la CTM en 1976 sur la place des Martyrs de la Résistance 
(Photo de Jean-Henri Manara dont de nombreux tirages sont disponibles auprès de Delcampe)

Le changement de majorité municipale de 1977 conduit à une nouvelle politique de transports. Très vite la nouvelle équipe décide de résilier le contrat qui liait la ville à la société privée de transports CTM. Au 1erjanvier 1979, la SMTU reprend la gestion du réseau. 

Les bus de la SMTU 

Plan du réseau SMTU en 1981 (collection personnelle)

La ligne 4 continue selon la logique de la période précédente. En revanche la ligne 7 devient la ligne 11, remonte un peu plus haut l'Aiguelongue et sur se prolonge après la Comédie vers la Pompignane et ce qui va devenir ensuite le Millénaire.

La ligne 11 ne fonctionne pas le dimanche et les jours fériés en 1982.

Un ticket de la SMTU des années 1980 (collection de l'auteur)

Je prenais la ligne 11 tous les mercredis en début d'après-midi à l'arrêt Pierre-Rouge pour aller à ma leçon de piano rue du faubourg Saint-Jaumes, chez Mme Richard qui avait enseigné le même instrument à ma mère vingt ans plus tôt et tenait les orgues de Saint-Denis. Mon grand-père m'accompagnait et me donnait un ticket aller simple. Le bus blanc à rayures vertes nous conduisait jusqu'au bas du boulevard Henri IV où nous prenions une correspondance jusqu'à l'arrêt clinique Saint-Roch.

En 1991 les bus de la SMTU adoptent une nouvelle livrée blanche à carreaux bleus, ce qui les fit surnommer Lustucru en référence aux cartons de pâtes alimentaires.

Logo SMTU sur la carte fac en 1999 (collection personnelle)

L’arrivée de la ligne 1 de tramway le 1er juillet 2000 entraîne la modification du réseau de bus pour le service d’été deux jours plus tard. La ligne 11 change de numéro pour devenir la ligne 9. A cette date, le tracé de la 2eligne n’est pas encore arrêté et le passage par l’avenue Saint-Lazare, plus droite et donc plus rapide, est l'option préférée dans un premier temps. 

Dans le réseau de bus de l’an 2000, le quartier continue à être desservi par la 4, qui le relie à Castelnau-le-Lez, la nouvelle ligne 9 et par une tentative de ligne circulaire, la Ronde. Cette ligne a perduré jusqu’à nos jours, mais son tronçon sud a fini par être supprimé faute de passagers. La Ronde ne tourne donc plus tout à fait rond.

Le 21 janvier 2001, la concertation est lancée dans à la nouvelle maison de quartier. Il n’y a pas moins de 6 variantes présentées. Le passage intégral par l’avenue Saint-Lazare, la variante 1, est désormais la moins probable. Aucune des 5 autres variantes n’est exactement celle qui fut finalement retenue. Tout le débat consiste à desservir le quartier sans défigurer son côté village apprécié des habitants. Le tempérament de bulldozer de Georges Frêche et la virulence de ses opposants l’ont parfois fait oublier, mais la concertation était une réalité. Et cet homme qui avait quatre idées par heure savait parfois faire preuve de souplesse. C’est donc une nouvelle variante par la rue de Substantion qui apparaît à l’issue de cette réunion et c’est celle qui fut réalisée, malgré l’opposition des Verts qui voulaient que le tramway rejoigne l’avenue Saint-Lazare au niveau du jardin des Sens et celle du collectif qui préférait la route de Nîmes.

Les travaux commencent à bouleverser le quartier en 2004, avec les travaux d’un autopont, le viaduc Alphone Loubat, qui doit permettre aux automobilistes venant d’Antigone ou du tunnel de la Comédie de prendre la route de Nîmes sans avoir à traverser la place du 11 novembre. 

Le 16 décembre 2007, la ligne 2 du tramway est inaugurée. En janvier, le réseau de bus est à nouveau modifié pour s’adapter à ce changement. La ligne 4 vers Castelnau est supprimée. La ligne 5 dessert le quartier entre l’arrêt Boutonnet de la ligne 1 et l’arrêt Aiguelongue de la ligne 2. Les ouvertures des lignes 3 et 4 du tramway ont conduit à de nouvelles modifications. Actuellement c’est la ligne 10 qui dessert le quartier : venue de l’AIguelongue elle emprunte la rue de Montasinos, la rue de Nazareth, la rue Saint-Vincent de Paul et enfin la route de Mende.

Arrêt Jeu de Mail des Abbés (août 2009 - cliché de l'auteur)

Réussite sur le plan de la desserte et de la fréquentation, le tramway continue de produire des effets de long terme sur le quartier : renchérissement de l’immobilier (l’évolution s’est ralentie, faute de biens disponibles), densification du bâti et changement de population vers des classes sociales plus favorisées. La gratuité pour tous aura sans doute d'autres effets intéressants à observer dans les années qui viennent.

L'ensemble des sources utilisées pour l'écriture de ce feuilleton, ainsi que les remerciements aux personnes qui ont bien voulu m'offrir leur aide, est détaillé ici.

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