Pierre-Rouge 47 : Mortelle fusillade rue Lakanal

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Etat actuel de la façade donnant sur la rue Achile Bègé
(photo Françoise Brossard - aout 2022)

C'est une de ces maisons du XVIIIe siècle comme Amelin a aimé les dessiner dans le faubourg Boutonnet au temps de la Restauration. D'allure patricienne, elle se situe dans un entre deux entre l'hôtel particulier et la demeure de campagne à grand jardin. Même si le parc qui permettait autrefois de l'admirer avec un peu plus de recul a aujourd'hui disparu, cette demeure a gardé son cachet de belle maison bourgeoise côté jardin, avec sa façade principale à trois fenêtres et deux petites ailes symétriques à une seule fenêtre. L'escalier principal a une allure cossue avec son tapis à dominante rouge. Et les avis laissés par les clients de ce petit hôtel de charme de 19 chambres sont très louangeurs.

Un lieu de séjour certainement agréable. Et vu de l’extérieur, avec son badigeon pimpant, l’hôtel  présente un aspect plutôt paisible. Face au jardin de l’ancienne caserne Tastavin, désormais parc Suzanne Babut, il doit offrir un séjour au calme dans le faubourg Boutonnet. Rien ne rappelle le drame dont il fut le théâtre voilà plus d’un siècle et dont on a parlé dans la plupart des journaux français.

Détail du plan de la ville par l'architecte municipal Kruger (1896- BNF/Gallica)

Le 26 septembre 1893, à onze heures du soir, décédait dans cette maison Jacques Philippe Domergue, négociant, ancien conseiller municipal, administrateur du quotidien La République du Midi, né à Nîmes soixante quatre ans plus tôt. Jacques Domergue laissait une veuve, Jeanne Justine Louise, née Bobichon, originaire de Valence et âgée de 54 ans, avec qui il était marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. Ensemble ils avaient trois fils survivants : Ernest, représentant de commerce à Paris, 27 rue de Jussieu, Georges, négociant en vins, domicilié rue Lunaret et Joseph, 26 ans, résidant avec ses parents dans la belle maison de la rue Lakanal. Ce dernier point est vite l'objet d'un conflit avec ses frères, qui veulent vendre pour sortir de l'indivision et demandent à leur frère de quitter la maison, ce qu'il refuse, se prétendant le seul propriétaire légitime. Sa mère prenant, d'après lui, le parti de ses frères, leurs relations deviennent tendues à partir de cette époque. Sa mère, du fait de son deuil mais aussi par caractère, sort peu. Les voisins voient souvent ses volets fermés. Dans cette sorte de huis-clos, l'ambiance est pesante. Après seulement quelques jours de travail, le mari de Louise Créon, la femme de ménage, voudrait qu'elle cesse d'y aller. S'il voit en la veuve Domergue une brave femme, il se méfie du fils.

On prête à Joseph Domergue, comme à son père avant lui, un caractère emporté et des colères éruptives. Les témoignages recueillis après l'affaire auprès de ses anciens condisciples au collège font état de véritables accès de rage au cours desquels il lui arrivait de mordre, ce qui l'aurait fait surnommer "le caniche". 

Une vente sur licitation organisée au début de l'année 1896 donne une description très précise de la maison Domergue, que L'Eclair dit luxueusement meubles, avec de nombreux éléments du confort de l'époque, notamment la capacité d'héberger une domesticité variée : "Une grande et belle maison d’habitation sur caves et deux étages au-dessus du rez-de-chaussée, un jardin d’agrément, au milieu duquel existe un bassin avec jet d’eau. Du côté du jardin, au rez-de-chaussée, les appartements se composent d’un grand salon, cabinet de travail, belle salle de billard, cage d’escalier, salle à manger, cuisine et vastes dépendances. Au premier étage se trouvent cinq grandes chambres, lingerie, etc. Au deuxième étage, les chambres des domestiques et de vastes pièces de débarras. De l’autre côté du jardin se trouve un autre corps d’habitation avec écuries et grenier à foin au-dessus, grande remise avec grand portail en bois, petite cour ou ciel-couvert recouvrant en partie un ancien puits à roue, petite pièce servant à faire les lessives ; au-dessus de la remise, logement du jardinier ou du concierge." 

Plan paru dans L'Eclair du 15 novembre 1895 (archives départementales de l'Hérault)

Au printemps 1895, Mme Domergue engage une nouvelle domestique, Esther Polverel, âgée de vingt ans et dont le témoignage a alimenté la plupart des journaux suite au drame.

Au début du mois de novembre 1895, Joseph Domergue porte plainte contre ses frères. Sa démarche a toutes les apparences de la bonne foi et ses arguments sont précis et assez recevable pour que le parquet ouvre aussitôt un supplément d'enquête. Les personnes qui rencontrent Domergue ces jours là le trouvent agité mais rien ne laisse prévoir un drame. 

D'après le témoignage d'Esther Polverel, le comportement de Joseph Domergue devient curieux à partir du vendredi. Convaincu qu'on cherche à l'empoisonner, il refuse désormais de prendre ses repas chez sa mère. 

Le samedi 9 novembre, Joseph Domergue envoie chercher le commissaire Bonnaud, auquel il veut faire part des menaces à son encontre. A grand peine, le commissaire Bonnaud parvient à calmer Joseph Domergue. 

Le dimanche 10 novembre, Joseph Domergue fait son testament devant Me Roussel. Domergue parait pourtant en parfaite santé et un témoin s'étonne. « Je suis plus malade que vous ne croyez » répond-il et il lui propose de lui tâter le pouls en répétant plusieurs fois « avant peu, demain, peut-être, je serai mort ». Les proches de Joseph Domergue le savent un peu hypocondriaque mais cette manie n'a jusqu'ici pas été jugée trop inquiétante. Faute de pouvoir se faire prescrire des médicaments, Domergue en achète de sa propre initiative pour 30 francs par mois et on retrouvera dans ses placards toute une collection de flacons vides.

Le testament de Joseph Domergue institue sa mère légataire universelle. Elle devra cependant veiller à l’attribution de 36.000 francs de legs divers, à ses neveux de Nîmes notamment, mais surtout, à sa bonne Esther Polverel. 2000 francs sont aussi prévus pour la société musicale Sainte-Cécile, qui devra l’accompagner jusqu’au tombeau en jouant des marches funèbres. Autre bizarrerie, le testateur veut léguer 2000 francs or aux témoins du testament. C'est illégal, Me Roussel est obligé de refuser cette disposition. 

Le même jour, Joseph Domergue remet une lettre à Esther Polverel. Celle-ci manque de se faire renvoyer par sa maîtresse à laquelle elle remet le pli sans l'avoir ouvert. La veuve Domergue est très fâchée par le legs que son fils fait au bénéfice de la bonne dans son testament. Devant l'insistance de son fils, la veuve Domergue renonce à congédier sa domestique. 

Le lundi 11 novembre, Domergue fait aller chercher son ami le père Thomas, aumônier du Refuge, et musicien reconnu, juste à côté, au 38 rue Lakanal. Comme Joseph Domergue ne s'alimente toujours pas, le prêtre le convainc de boire un peu de lait, ce que Domergue accepte après avoir fait jurer devant Dieu à Esther Polverel qu'elle n'y avait mêlé aucun poison. 

Le mardi 12 novembre, le boulanger venu livrer le pain est menacé par Joseph Domergue : « Allez-vous-en ! Vous voulez m’empoisonner mais je vous tuerai ». Dans l'après-midi, son humeur paraît meilleure mais elle s'assombrit à nouveau le soir et il refuse à nouveau de se mettre à table. 

Le 13 novembre 1895

Le mercredi matin, Joseph Domergue se lève tôt et fait aller chercher un de ses voisins, le doyen de la faculté de droit M. Vigié, qui habite un peu plus haut en face dans la rue Achille Bègé. Après avoir discuté un moment de ses affaires avec le doyen, Joseph Domergue saisit ses mains, les sent et dit à M. Vigié reconnaître l'odeur du poison que l'on met dans sa nourriture. M. Vigié se retire, Joseph Domergue lui demandant de ne jamais revenir, mais non sans avoir alerté la veuve Domergue sur l'état mental de son fils. "Attendons, attendons encore un peu. A cause du monde" a répondu la veuve au doyen. 

A midi, Joseph Domergue descend à la cave pour en tirer deux bouteilles de vin vieux. Mais sitôt qu'il y a goûté, il rejette les bouteilles, les croyant empoisonnées au phosphore. Esther Polverel dit l'avoir entendu crier "Que diable vous ai-je fait pour que vouliez m'empoisonner?"

Vers 16 heures, la veuve Domergue demande à Esther Polverel de monter un bol de bouillon à son fils. La domestique parvient, après en avoir pris elle-même plusieurs cuillères devant lui, à le convaincre de s'alimenter un peu. Mais lorsqu'elle veut quitter la chambre, Domergue pense qu'elle veut aller boire de l'eau pour combattre les effets du poison. Esther Polverel va chercher du consommé. Nouvelle scène. La domestique cette fois refuse de goûter le plat pour complaire à son maître. 

Vers 21 heures, Joseph Domergue se met au lit. Les domestiques dînent dans la cuisine et l'entendent à travers le plafond chanter à tue-tête et vociférer. Sa mère va le voir dans sa chambre du premier étage.

Vers 21h15, Esther Polverel entend crier sa maîtresse. Celle-ci essaye de calmer son fils Joseph et lui crie « Joseph, tais-toi ! Ne me frappe pas ». Esther Poverel se précipite dans la pièce du premier étage où se trouvent sa maîtresse et son fils. Joseph Domergue fait feu. La balle se perd dans la porte mais Esther Poverel s’enfuit aussitôt. Alors qu'elle descend l'escalier, Joseph Domergue fait à nouveau feu à deux reprises. Passant par la cuisine, Esther entraine avec elle Louise Créon, employée à la journée qui l’aide dans ses tâches en lui disant « Sauvons nous ! Allons chercher du secours car le patron est fou ». 

Avec un revolver et deux fusils, Joseph Domergue va tirer en tout quatorze fois. 

En quittant la maison, Esther Poiverel entend un nouveau coup de feu à l'intérieur. Celui-ci touche mortellement la veuve Domergue à la poitrine. Esther et Louise s’enfuient par le jardin et sortent de la propriété par une petite porte donnant sur la rue Achille Bègé. Puis elles se séparent. Esther prend à gauche vers Boutonnet. Elle se réfugie chez l'épicier Guiraud, qu'elle convainc d'essayer de calmer son maître. Louise Créon fait un choix altruiste mais malheureux : elle prend à gauche vers la rue Lakanal pour aller chercher des secours, peut-être le père Thomas l'aumônier ami de Joseph. Lorsqu’elle passe sous le bec de gaz, un nouveau coup de fusil lui tranche le pharynx et fait d’elle la deuxième victime de Joseph Domergue. Elle avait 24 ans. Allant d’une fenêtre à l’autre du premier étage et jusqu’à la terrasse à l’angle de la rue de la Tuilerie, le forcené est prêt à faire d’autres victimes. 

Le petit lycée (carte postale non circulée, sans date - collection de l'auteur)

Venant de la villa Planchon, au 5 rue de Nazareth, où leur mère est concierge, les demoiselles Dupont regagnent à ce moment-là leur domicile de la rue de Moissac en passant par la rue Lakanal. N’ont-elles pas entendu les premiers coups de feu. Il semble qu’elles continuent leur chemin paisiblement. Domergue fait feu à nouveau. L’aînée des demoiselles Dupont, âgée de 21 ans, reçoit des plombs au visage. Sa plus jeune sœur est plus légèrement atteinte. M. Laune, professeur de gymnastique, leur porte secours et les raccompagne chez elle où le docteur Vigouroux vient les soigner. Fort heureusement, l'oeil de l'aînée des demoiselles Dupont est sauf. 

Au même moment, Pierre Théron, 48 ans, saigneur de porcs à l’abattoir, remonte la rue Lakanal vers son domicile situé au numéro 61. Il est accompagné de son gendre M. Trivière et de sa petite fille, que M. Théron porte dans ses bras. En entendant le coup de feu tiré sur les demoiselles Dupont, Trivière saisit sa fille. Juste à temps. De  nouveaux coups de fusil atteignent son beau-père en pleine poitrine et à l'oeil droit. Théron tombe, mortellement atteint. 

A la fenêtre, une bougie dans une main et son fusil dans l’autre, Joseph Domergue est prêt à tirer sur tout individu qui approcherait, même pour enlever les cadavres de ses précédentes victimes. Il crie qu’il a des munitions pour résister à la police toute la nuit. 

L'épicier alerté par Esther Polverel, M. Guiraud, pénètre dans le jardin pour essayer de raisonner Joseph Domergue. Pour toute réponse, celui-ci le menace : « Ne t’approche pas ou je te tue comme les autres. » On comprend que le brave homme n'ait pas insisté.

Enfin la police arrive, une bonne demi-heure après les premiers coups de feu, mais en nombre. Vers 22 heures deux brigades de gendarmerie prennent position sous les ordres du chef d’escadron Kervella et de l’adjudant Jannay Les gendarmes sécurisent la zone sans trouver de moyen sûr de s’emparer de Joseph Domergue sans faire de nouvelles victimes. 

Le petit lycée côté jardin (carte postale non circulée, sans date - collection de l'auteur)

Faute de pouvoir se poster sous les fenêtres du forcené, les gendarmes pénètrent dans le jardin du petit lycée par une échelle posée sur le mur d’enceinte au débouché de la rue Bosquet.

Vers minuit, après la sortie des spectacles, des curieux affluent et se massent aux abords des barrages de police.

Mais l’importance de l’affaire fait se déplacer de plus importants personnages. D’abord des magistrats. Les avocats généraux Sevaux et Gélineau, le procureur Brocart et le substitut Rabaud. Ils font barrer toutes les rues adjacentes afin d’éviter tout nouveau drame et rejoignent la troupe dans le jardin du petit lycée. Puis le commissaire de police Bonnaud avise le préfet, M. Vincent, de la gravité de ce qui est en train de se passer. Le préfet se rend sur place à minuit et demi et reste rue Lakanal jusqu’au lendemain matin à 9 heures. Prenant lui-même la direction des opérations, le préfet envoie chercher à la citadelle la 3e compagnie du 17e bataillon du génie, placée sous les ordres du capitaine Calas. 

Egalement prévenu, le maire M. Castets fait envoyer une pompe à eau que l’on parvient à faire rentrer dans le jardin du petit lycée par la grande porte. Cachée par le mur et des cyprès, la pompe est placée sous les fenêtres de la maison. Un jet d’eau est envoyé sur la fenêtre du furieux afin de l’empêcher de tirer à nouveau. 

A deux heures et midi du matin, Joseph Domergue tire un dernier coup de feu en direction du jardin du petit lycée, heureusement sans atteindre quiconque. Il descend ensuite au rez-de chaussée en criant « on veut me noyer ! la police a peur de moi ! Mais je n’ai pas peur d’elle ! J’ai encore des munitions pour lutter longtemps contre elle ! » Mais bientôt le jet d'eau l'empêche d'agir et le conduit à fermer sa fenêtre pour se mettre à l'abri.

En vain son frère Georges essaie de calmer Joseph Domergue en lui parlant depuis le jardin du petit lycée, le suppliant d’ouvrir la porte. Les témoins l’entendent hurler « Va-t-en ! Je te maudis ! Je suis la mort ! Je suis le maître ici ! Je venge mon père ! Infâme ! J’ai tué ma mère ! La voilà ! Je te maudis ! Je te maudis » On entend Domergue frapper contre les murs et briser des objets.

 

Vers 3 heures et demie du matin, on peut enfin enlever les cadavres de Louise Créon et de Théron tandis que la pompe empêche Joseph Domergue de continuer à tirer. On transporte les malheureuses victimes dans l’économat du petit lycée où le docteur Vigouroux s’efforce de les rendre présentables pour leurs proches avec l’aide de deux internes, MM Lafon et Charles. M. Créon, tonnelier, n'en est guère consolé et sa détresse impressionne et émeut de nombreux témoins. Chargé dans une humble jardinière, précédé d'un porteur de lanterne et suivi par quatre gendarmes, le corps de Louise Créon est conduit chez elle au 20 de la rue Chaptal. 


Ne pouvant savoir que Domergue est désormais à cours de munitions, le préfet décide d'attendre le lever du jour pour lancer l'assaut et s'emparer du forcené. Il fait orienter la lance à incendie sur la fenêtre des wc du rez-de-chaussée, où on pense que Domergue s'est réfugié, et envoyer une grosse quantité d'eau.


La grille de l'ancien parc donnant sur la rue Achile Bègé
(photo Françoise Brossard - août 2022)

 

Vers 7 heures du matin, munis d’une clef ouvrant la porte du jardin sur la rue Achile Bègé confiée par Georges Domergue, les forces de l’ordre suivies par plusieurs journalistes pénètrent dans le jardin. Comme le forcené ne donne pas signe de vie, les gendarmes entrent dans la cuisine laissée ouverte par les domestiques dans leur fuite. Protégés tant bien que mal par des matelas et couvertures, les gendarmes remontent prudemment le couloir du rez-de-chaussée, parallèle à la rue Lakanal. Au bout de ce couloir, donnant sur la rue de la Tuilerie, se trouve un WC dans lequel l’agent de police Tisseyre trouve Joseph Domergue, toujours le fusil à la main et s’empare de lui avec le gendarme Berthaud et le pompier Bastide. Domergue ne se rend pas sans résistance et blesse le gendarme à la main. Le préfet récompensa en août 1896 l'agent Tisseyre de son courage par une mention honorable. Domergue s'agite et pousse des hurlements. Allongé de force sur un matelas et ligoté solidement, Domergue est emmené par un fiacre à l’hôpital général, où se trouve encore à l’époque l’asile des aliénés. 

 

On découvre alors le cadavre de la veuve Domergue assis dans un fauteuil. Couvert de sang, tremblant, son fidèle petit chien est resté aux pieds de sa maîtresse. Les scellés sont posés, la rue rouverte à la circulation et le préfet regagne la préfecture. Toute la journée, les badauds se pressent dans la rue comme au spectacle, se montrant notamment le pilier de droite de la grille du petit lycée, criblé de plomb n°4 par les tirs de Domergue. 


Le 15 novembre, près de 10.000 personnes assistent aux obsèques de la veuve Domergue, en présence du préfet, du maire et de nombreux notables. 


La presse s'intéresse pendant plusieurs jours au sort de Domergue. On scrute son comportement, ses paroles. Les premiers jours il refuse de manger ; à peine peut-on lui faire boire un peu de lait ou de bouillon. Le professeur Mairet est chargé par le procureur Brocart de se prononcer sur l'état du forcené et prend tout son temps. Au bout de quelques jours, Joseph Domergue semble se calmer un peu. On peut le laisser descendre en récréation et un seul gardien suffit à le surveiller. 


Le 26 novembre 1895, des cambrioleurs pénètrent dans la propriété, brisant les scellés, fracturant une porte du rez-de-chaussée et s'emparant d'un butin assez conséquent. Plusieurs bijoux, montres, couverts en métaux précieux, un fume cigarette et même une corbeille à pain ont été dérobés.


Le 15 décembre 1895, L'Eclair rapporte que Domergue semble avoir perdu tout souvenir du drame. Il a réclamé à une connaissance venue le visiter d'aller trouver sa mère pour qu'elle lui fasse envoyer plusieurs costumes qu'il désignait. 


Le 13 janvier 1896, reconnu irresponsable suite au rapport du professeur Mairet, Joseph Domergue est transféré à l'asile d'aliénés de Montdevergues, à Monfavet (commune d'Avignon), spécialisé dans les patients difficiles et qui accueillit quelques années plus tard Camille Claudel. Il aurait dû voyager en 3e classe avec ses deux gardiens mais sa famille a financé un billet de 2e classe. Des témoins rapportent que « dans la salle d’attente, il a dit à ses gardiens (…) « J’ai bien fait de tuer ma mère, car elle voulait m’empoisonner ».


André Jean Joseph Philippe Domergue est décédé à neuf heures du matin le 10 mars 1899 à l'asile d'aliénés de Montdevergues. Il avait 32 ans. 

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L'ensemble des sources utilisées pour l'écriture de ce feuilleton, ainsi que les remerciements aux personnes qui ont bien voulu m'offrir leur aide, est détaillé ici.

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