Mes ancêtres dans la Grande guerre 6 : Maurice Montels, blessé au poumon et pensionné
Maurice Montels en convalescence à l'hôtel royal de Nice (1917) |
L'essentiel de mes recherches sur lui date des années 1990. Je me suis récemment demandé si, à l'aide des nouvelles sources disponibles sur Internet et de ce que j'ai appris depuis en généalogie, je ne pourrais pas en apprendre plus sur cette figure tutélaire de mon enfance. Je n'avais par exemple jamais exploité sa fiche matricule. Et je n'étais pas au bout de mes surprises !
Surchargée de mentions marginales, d'abréviations et de papiers collés pour permettre d'allonger certaines rubriques, elle forme déjà un cadre biographique assez complet mais difficile à exploiter en totalité sans connaissances un peu pointues. On la trouve aux vues 17 à 21 du registre 1 R 1313 des archives départementales de l'Hérault. Je me suis également appuyé sur le livret de famille, les photos et la mémoire familiale. L'aide des contributeurs experts du forum 14-18 m'a été très précieuse pour combler mes lacunes sur ce type de sources. Malgré tout je tâtonne encore un peu, j'espère avoir des retours de lecteurs me permettant de compléter ce que je sais déjà ou corriger d'éventuelles erreurs d'interprétation.
Maurice Montels est né le 23 mai 1898 à Montpellier, à cinq heures du matin, 5 rue de l'ancienne Poste. L'immeuble existe toujours, tout proche de l'église Saint-Denis, où il reçoit le baptême le 5 juin 1898. Son parrain est son oncle Miquel Montels, sa marraine sa tante Sophie Montels. Ce qui concerne ses parents et surtout son père se trouve ici. Je ne dispose que d'une seule photo de lui bébé, envoyée à sa grand-mère Marie Montels.
Peu après sa naissance, ses parents s'installent dans le faubourg de Celleneuve, qui dépend administrativement de Montpellier mais est alors un village séparé de la ville par un paysage de campagne. Entre 1903 et 1906, sa famille emménage à Castelnau-le-Lez. Malgré son apparence de gros village, Castelnau est déjà étroitement liée à Montpellier et les tramways de la ligne 3 d'alors relient la mairie de Castelnau à la place de la Comédie. Il existe des archives versées sur les écoles de Castelnau mais elles ne concernent que les bâtiments ou alors des époques antérieures à 1825. J'ignore si Maurice est allé à l'école publique ou privée. Seule certitude sur le plan de l'instruction religieuse, il a fait sa communion solennelle, j'ai une mauvaise copie de photo format carte de visite qui le montre en communiant. Pour l'instruction tout court, sur sa fiche de recensement, son niveau d'instruction est noté "3", ce qui pour cette période correspond à une instruction primaire un peu développée, même si cela ne signifie pas toujours avoir eu le certificat d'études. Je ne sais pas si c'était obligatoire pour le concours de facteur.
La taille portée sur sa fiche matricule est de 1 mètres 80 centimètres. Sa dernière carte d'identité dit 1 mètre 88 centimètres. Ma mère tranche pour 1 mètre 86. Il était en tout cas très grand pour sa génération.
Le 29 décembre 1916, Maurice a obtenu l'ancêtre du permis de conduire : le "certificat de capacité pour la conduite de voiture automobiles à pétrole". Il n'y a encore ni école de conduite, ni code de la route. Ce sont les constructeurs automobiles qui préparent à l'examen préfectoral, que font passer des ingénieurs des mines. Il faut des compétences en mécanique assez étendues pour obtenir le petit papier rose, ce qui explique peut-être pourquoi d'un document à l'autre, pendant plus de dix ans, la profession de Maurice hésite entre chauffeur et mécanicien, voire chauffeur-mécanicien. J'ignore pourquoi et par qui fut financé la préparation au permis de conduire. Je suis intrigué par le domicile indiqué par le certificat : Montpellier, alors que ses parents habitent à Castelnau-le-Lez et qu'il est encore, à 18 ans, mineur. Est-il hébergé par son employeur de l'époque, dont j'ignore tout ? En tout cas cette compétence encore assez rare a peu après de grandes conséquences sur sa carrière militaire.
Maurice Montels fait partie de ces soldats qui n'a jamais connu le pantalon garance des premiers jours de la guerre, mais uniquement l'uniforme bleu horizon. Comme le reste de la classe 1918, il est appelé par anticipation ; il est incorporé le 17 avril 1917 au 116e régiment d'artillerie lourde. J'ignore combien de temps durait l'instruction militaire en pleine guerre mais ce n'est pas une période de campagne double sur sa fiche matricule : il n'est donc pas au front.
Le 7 août 1917, Maurice intègre le 83e régiment d'artillerie lourde à Créteil, à la 70e batterie. Mais il n'y reste pas et se retrouve aussitôt détaché au 19e ETEM. Un escadron du train des équipages militaires n'est pas à proprement parler une unité combattante mais cela ne met pas ses hommes à l'abri des bombes, qu'ils apportent le ravitaillement, conduisent les véhicules tractant les canons ou évacuent les blessés. Ils sont au contraire une cible recherchée par l'ennemi pour porter atteinte au moral des troupes et à leur organisation. Maurice est placé dans une position de subsistance au T.M. 1400, au Centre d'instruction de Boulogne-sur-Seine, pour conducteurs destinés à l'artillerie lourde. La subsistance est une sorte d'affectation provisoire pour soldat éloigné de son corps de rattachement : il est nourri et sa solde versée par l'unité qui l'accueille. Voici donc Maurice tout près de sa marraine Sophie, devenue entretemps Mme Léon Blanc et qui réside à Neuilly-sur-Seine.
Maurice reste un mois à Boulogne. Il a raconté avoir par la suite appris à conduire à d'autres recrues. Le 20 septembre 1917, il est placé, toujours en subsistance, au PAOL (le parc automobile d'organisation de Lyon). Un article de la revue Automobilia du 15 juillet 1918 décrit cette structure : "C'est un établissement chargé de centraliser d'une part le matériel provenant des différentes sources de production; d'autre part, le personnel provenant des dépôts d'instruction et des différentes sources de récupération possibles. Avec ses ressources, il constitue les unités nouvelles nécessaires aux armées ou comble les vides au fur et à mesure des besoins."
Maurice reste un mois à Boulogne. Il a raconté avoir par la suite appris à conduire à d'autres recrues. Le 20 septembre 1917, il est placé, toujours en subsistance, au PAOL (le parc automobile d'organisation de Lyon). Un article de la revue Automobilia du 15 juillet 1918 décrit cette structure : "C'est un établissement chargé de centraliser d'une part le matériel provenant des différentes sources de production; d'autre part, le personnel provenant des dépôts d'instruction et des différentes sources de récupération possibles. Avec ses ressources, il constitue les unités nouvelles nécessaires aux armées ou comble les vides au fur et à mesure des besoins."
Hôtel Royal de Nice réquisitionné en hôpital militaire, groupe fin 1917 (détail d'une carte postale ) |
A une date et dans des circonstances inconnues à l'automne 1917, il est blessé aux poumons et est évacué à Nice. Comme il n'a jamais parlé à ma mère de la nature et des causes de ses blessures, j'ignore ce qui s'est exactement passé, mais les symptômes décrits font penser à une intoxication au gaz. J'aimerais approfondir ce point mais les archives médicales sont complexes à manier et pour tout renseignement médical, il existe un délai de 150 ans à partir de la naissance de l'intéressé qui fait que, sauf dérogation, je ne pourrai y accéder que dans trente ans, si je suis toujours là.
Il existe trois photos de Maurice à cette période, dont celle qui ouvre ce post, toutes en uniforme et prises à l'extérieur de l'hôtel Royal de Nice qui sert d'hôpital militaire (HB n° 155 bis). Il ne porte d'insigne de régiment sur aucune d'entre elles, mais au côté droit il a une roue dotée d'une paire d'ailes qui m'a d'abord fait penser à un mécanicien de l'armée de l'air. Grâce à Antoine Lecat et Cyrille Limousin, deux contributeurs de l'excellent groupe Facebook Je fais de la généalogie, j'ai moins de cinquante ans et j'assume (ou pas...), j'ai pu faire le rapprochement avec le train des équipages militaires.
Il existe trois photos de Maurice à cette période, dont celle qui ouvre ce post, toutes en uniforme et prises à l'extérieur de l'hôtel Royal de Nice qui sert d'hôpital militaire (HB n° 155 bis). Il ne porte d'insigne de régiment sur aucune d'entre elles, mais au côté droit il a une roue dotée d'une paire d'ailes qui m'a d'abord fait penser à un mécanicien de l'armée de l'air. Grâce à Antoine Lecat et Cyrille Limousin, deux contributeurs de l'excellent groupe Facebook Je fais de la généalogie, j'ai moins de cinquante ans et j'assume (ou pas...), j'ai pu faire le rapprochement avec le train des équipages militaires.
Maurice Montels et Emilie Lubac, épousée le 23 août 1919 à Montpellier Le numéro d'unité qu'il porte au col, le 212e, ne renvoie à aucune affectation de sa fiche matricule |
"Campagnes :
Intérieur CS (pour campagne simple) du 17/04/1917 au 24/03/1918,
Sous les ordres du général commandant la région armées du 25/03/1918 au 11/11/1918,
Sous les ordres du général commandant en chef les armées du 12/11/1918 au 11/03/1919".
L'absence de mention "campagne double" semble indiquer qu'il n'a pas connu de période au front dans une unité combattante, ce que confirme la localisation "Intérieur", c'est-à-dire hors de la zone des combats.
L'absence de mention "campagne double" semble indiquer qu'il n'a pas connu de période au front dans une unité combattante, ce que confirme la localisation "Intérieur", c'est-à-dire hors de la zone des combats.
La fin de la guerre ne correspond pas pour Maurice à un retour dans ses foyers. Il devait en effet comme tout le monde un service militaire de trois ans et devait donc théoriquement rester sous les drapeaux jusqu'en avril 1920.
Cela ne l'a pas empêché de se marier et de devenir père pendant cette période. Il aurait rencontré sa future épouse lors de vendanges du Mas de Rochet. Etait-ce en 1916 ou plus tard à l'occasion d'une permission? Il se marie en août 1919 avec Emilie Lubac, fille de César Lubac et de Marie Bibal. La jeune épousée est presque tout de suite enceinte leur fils unique Raoul naît en mai 1920, 3 rue Saint-Léon, à Montpellier. La grand-mère maternelle de l'enfant vit dans la même maison, avec son fils Henri Lubac.
Maurice n'en avait pas fini pour autant avec le port de l'uniforme. Comme beaucoup de Montpelliérains avant 1960, quand on surnommait la ville "la belle endormie", il a dû quitter la ville pour trouver du travail. Pendant une brève période en 1924 et peut-être un peu avant et après, il a porté celui de chauffeur livreur des Galeries modernes à Pau. La fiche matricule ne conserve pas son adresse de cette époque. J'ai voulu consulter les listes électorales de Montpellier aux archives municipales mais la période 1921-1926 était au dépoussiérage et je n'ai donc pas encore pu préciser la chronologie de cette période au-delà de ce que m'apprend la fiche matricule.
Maurice a ensuite porté l'habit de chauffeur mécanicien pour plusieurs patrons. En 1921, il est au service d'une personne nommée Vidal. Je n'ai pas réussi à identifier cet employeur de façon certaine. Après son séjour à Pau autour de 1923, Maurice entre au service d'un riche rentier protestant, M. Paul Meyrueis. Celui-ci figure comme employeur de Maurice sur le recensement de 1926, où il vit de nouveau rue Saint-Léon sous le même toit que sa belle-mère. En 1914, les propriétaires automobiles de Montpellier sont encore assez peu nombreux pour que le Guide de l'Hérault, sorte d'annuaire pratique de l'époque, en donne une liste nominative. Y figure un M. Meymueis (sic), 12 rue Salle l'Evêque à Montpellier. Le même, orthographié cette fois correctement, est désigné comme rentier par le même ouvrage et indique que son prénom commence par un P. Une rapide visite sur geneanet m'apprend qu'un Paul Meyrueis est décédé en 1948 à Montpellier rue de la Salle l'Evêque, à l'âge de 87 ans. Voici donc celui que Papi Maurice appelait encore respectueusement "Monsieur" des années plus tard.
Maurice a ensuite porté l'habit de chauffeur mécanicien pour plusieurs patrons. En 1921, il est au service d'une personne nommée Vidal. Je n'ai pas réussi à identifier cet employeur de façon certaine. Après son séjour à Pau autour de 1923, Maurice entre au service d'un riche rentier protestant, M. Paul Meyrueis. Celui-ci figure comme employeur de Maurice sur le recensement de 1926, où il vit de nouveau rue Saint-Léon sous le même toit que sa belle-mère. En 1914, les propriétaires automobiles de Montpellier sont encore assez peu nombreux pour que le Guide de l'Hérault, sorte d'annuaire pratique de l'époque, en donne une liste nominative. Y figure un M. Meymueis (sic), 12 rue Salle l'Evêque à Montpellier. Le même, orthographié cette fois correctement, est désigné comme rentier par le même ouvrage et indique que son prénom commence par un P. Une rapide visite sur geneanet m'apprend qu'un Paul Meyrueis est décédé en 1948 à Montpellier rue de la Salle l'Evêque, à l'âge de 87 ans. Voici donc celui que Papi Maurice appelait encore respectueusement "Monsieur" des années plus tard.
Sans date, Maurice (au fond à gauche) avec ses collègues facteurs |
Les années d'après guerre de Maurice Montels, telles qu'en rend compte sa fiche matricule, sont une succession de comités médicaux et de formalités pour faire renouveler sa pension provisoire, accordée par la commission de réforme le 13 avril 1923. L'intitulé initial est froid, mais précis : "Réformé temporairement, invalidité 30% pension temporaire, pleurite gauche et condensation du lobe moyen du poumon droit avec état général déficient. Pour mémoire – aucun reliquat de dysenterie." Nouvel examen par la commission de réforme de Bayonne, au moment où il vit à Pau, le 7 février 1924, puis à nouveau à Montpellier en février 1925 et février 1926. La pension devient finalement définitive, toujours à 30% d'invalidité, par décision de la commission de réforme de Montpellier en janvier 1927.
En 1935, ses séquelles sont toujours suffisamment importantes pour que Maurice demande le statut de pupille de la nation au bénéfice de son fils Raoul. Rendu le 10 décembre 1935 par le tribunal d'instance de Montpellier, le jugement d'adoption par la nation précise "le sieur Maurice Basile, père de l'enfant, se trouve par suite de maladie consécutive à un fait de guerre dans l'incapacité de pourvoir à ses obligations et à sa charge de père de famille". Je ne sais pas quelles étaient ses difficultés financières, mais elles devaient être étayées dans le mémoire présenté par le Procureur, lequel n'a malheureusement pas été conservé. J'ignore aussi pourquoi cette demande intervient si tard. Est-elle liée aux difficultés de Maurice à faire bâtir ?
Août 1933- ancien chemin de Castelnau Emilie Montels, Raoul Montels et Marie Lubac, dite Nénette |
Le cadre de la vie de Maurice et de sa femme ne changera plus. C'est Montpellier qui, à partir de 1960, se met à changer autour d'eux à toute vitesse. Leur quartier se transforme, les congrégations religieuses et les héritiers des riches propriétaires cèdent de grands terrains à la promotion immobilière. D'orgueilleuses résidences et des maisons individuelles en parpaings enduits font reculer vignes, parcs et jardins. L'ancien chemin de Castelnau devient une large avenue. Après avoir longtemps effectué sa tournée route de Toulouse, quelque temps avant sa retraite, Maurice assure celle du Palais de justice, devant lequel il est pris en photo en 1968, année de sa retraite. Une retraite qu'il consacre à l'art d'être grand-père, puis arrière grand-père, en suivant avec passion le Tour de France et en participant aux activités du club du 3e âge du quartier des abattoirs, sans oublier de nombreuses parties de pétanque. Maurice Montels est décédé à Montpellier le 12 septembre 1983, à l'âge de 85 ans, quelques jours avant le baptême de son deuxième arrière petit-fils.
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