Pierre-Rouge 14 : De l'enclos Farel à la cité scolaire Françoise Combes

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Cité scolaire Françoise Combes - entrée principale côté externat (octobre 2018, collection personnelle)

Montpellier est légitimement fière de ses « folies ». Ces demeures des champs, châteaux de plaisance souvent entourées de magnifiques jardins, ont souvent été préservées. Des propriétaires privés, tels que les Colbert à Flaujergues ou les Saporta à la Mogère, ont su les préserver. Parfois ce sont les collectivités publiques qui y ont veillé, comme le département de l’Hérault avec le château d’Ô. D’autres ont disparu sous les pioches des démolisseurs, comme le château de La Mosson, dont les restes ne donnent qu’une faible idée de la splendeur d’origine. 

Les sites du petit lycée et du petit séminaire sur le plan de P A Kruger, architecte de la ville
1896 (détail - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) 


La folie qui se trouvait autrefois au 4 de l’actuelle rue du 81e régiment d’infanterie a connu un autre sort. Le bâtiment d’origine de l’enclos Farel existe toujours, mais il n’est plus qu’une construction parmi d’autres d’un ensemble qui fut transformé à chacune de ses nouvelles affectations. Brillante demeure de plaisance, austère séminaire, caserne et finalement établissement public d’enseignement. Le site de l’actuelle cité scolaire Françoise Combes regroupe trois ensembles distincts : l’ancienne caserne de Lauwe, qui englobe l’enclos Farel. En face, toujours rue du 81e régiment d’infanterie, l’ancienne caserne Tastavin et le stade lieutenant Normand.

Au XVIIIe siècle, le propriétaire de ce vaste domaine est François Farel, négociant protestant. Dans une chronique anonyme de 1768 citée par Xavier Azéma, son jardin est cité parmi les plus remarquables jardins d’agrément de la ville. François Farel fut le premier, grâce à l’édit de tolérance de 1788, à pouvoir bénéficier de funérailles publiques. Son terrain avait servi de sépulture à plusieurs familles protestantes depuis 1685, date à laquelle la révocation de l’édit de Nantes avait privé les réformés de cimetière officiel. 

La "villa" très remaniée, est le seul bâtiment remontant à l'époque de l'enclos Farel

L’héritier de François Farel, M. Farrel-Deshours, vendit l’enclos à M. Boissier, qui le céda ensuite au diocèse de Montpellier en 1859 pour y établir le nouveau grand séminaire. Mais il va falloir attendre encore plusieurs années pour que le projet se concrétise, faute d’argent. L’architecte diocésain Revoil est l’auteur des plans du petit séminaire et de sa chapelle néo-romane. Il est assisté pour la maîtrise d’oeuvre par Arribat. Les travaux commencent en 1867 grâce à une souscription publique et à un prêt auprès du crédit foncier de France. Ce n’est qu’en 1880 que Monseigneur de Cabrières peut inaugurer le petit séminaire, qui est reçoit en 1893 le nom de Saint Firmin.

Bâtiments de l'ancien petit séminaire, l'aile ouest - octobre 2018 (collection personnelle)

Les pères lazaristes assurent la direction du petit séminaire comme au temps des Récollets. L'enclos Farel n’est pas entièrement privé de présence féminine. Ce sont les soeurs de la Sainte Agonie de Mazamet qui s’occupent du linge, de la cuisine et de la sacristie. La vie matérielle est plutôt austère. Voici une journée ordinaire des petits séminaristes vers 1890, d'après la description qu'en donne Louis Secondy : lever à cinq heures, toilette sommaire (il n'y a ni chauffage, ni eau chaude) puis direction l'étude jusqu'à la messe de sept heures. Après le déjeuner et des prières commence le cours de la matinée, qui dure deux heures. L'apprentissage par coeur y joue un rôle de premier plan. Il faut réciter et rendre tous les jours des devoirs écrits qui sont remis le lendemain. Après le cours viennent donc les devoirs, suivis du déjeuner qui précède la première récréation. Retour à l'étude jusqu'à 16 heures et la deuxième récréation. Secondy ne dit rien du repas du soir et du coucher. Les jeux des élèves sont plutôt physiques. Le football connaît un succès très rapide dans les années 1890, certains professeurs n'hésitent pas à jouer avec leurs élèves. Une fois par semaine vient la promenade ou une grande sortie. Certaines excursions conduisent les élèves à Maguelonne ou Saint-Guilhem-le-désert.

Le petit séminaire a pour vocation de former de futurs prêtres. Si le jeune pensionnaire ne montre pas d’inclination pour la prêtrise, il est orienté à partir de la classe de 4vers un collège catholique. Et cela marche, dans les années 1880, 4 petits séminaristes sur 5 vont au grand séminaire après la classe de rhétorique. 


En 1902, les Lazaristes sont expulsés par l'Etat et Mgr de Cabrières doit se résoudre à nommer un autre ecclésiastique au supériorat. La même année, les élèves doivent se serrer pour faire de la place à ceux des Jésuites de la rue Rondelet, les Jésuites étant expulsés en même temps que les Lazaristes comme congrégation interdite. Après la séparation des Églises et de l’État, le petit séminaire doit concerner ses activités dans une seule aile du bâtiment jusqu'à la fin de l'année scolaire 1906-1907. Les repas se prennent à l'imprimerie de la Charité, les messes ont lieu à la cathédrale. Après 1907, l'histoire du petit séminaire se poursuite au Sacré Coeur, puis dans l’enclos Saint-François, comme on le verra. 

Ancien petit lycée, plus tard Caserne Tastavin, côté rue Lakanal - octobre 2018 (collection personnelle)

En face de l’enclos Farel, une première école normale féminine a fonctionné à partir de 1846. Louis Secondy date les bâtiments primitifs de 1780. Ils furent étendus à partir de 1854, en même temps qu’une chapelle était créée. Les Dames de la charité de Nevers préparaient douze pensionnaires au brevet de capacité. Elles disposaient sur place d’une école primaire d’application et même d’une salle d’asile, ancêtre de notre école maternelle. Mais le placement des diplômés n’était pas simple. Des religieuses qui n’avaient pas le brevet de capacité, mais une simple lettre d’obédience, leur faisaient concurrence. Et surtout les locaux de cette première école normale faisaient naître d’autres convoitises. 

On a pris l’habitude depuis les années 1950 de voir l’enseignement secondaire prendre naturellement la suite de l’enseignement primaire. Ce n’était pas le cas auparavant. L’école primaire était l’école du peuple. Si certains de ses meilleurs sujets, grâce au concours des bourses, pouvaient poursuivre leur scolarité au lycée, ils étaient l’exception, la belle illustration de la méritocratie républicaine, exigeante et rare. Pour les autres le certificat d’études, au mieux l’école primaire supérieure et son brevet, étaient le terme de l’éducation. Pour les enfants de la bourgeoisie en revanche, pas d’école primaire, mais les petites classes du lycée. Pas de Cours moyen 1 ou 2 pour eux, qu’auraient suivi naturellement un cours supérieur, mais les classes de 11e, 10e, 9e, 8eet 7e, avant d’arriver à l’actuelle 6e


carte postale, sans date (collection personnelle)

C’est pour ces petites classes de la 11à la 7que le préfet de Napoléon III lorgnait sur les 20.000 m2 de terrain de l’école normale des dames de Nevers. Il trouvait les petites classes bien à l’étroit dans le lycée impérial qui occupait l’ancien collège des Jésuites et où s’est si magnifiquement étendu il y a quelques années le musée Fabre. Le proviseur, Monsieur Jourdain, aurait préféré le sud est de la ville, où sont les classes aisées et la richesse économique. Il jugeait sévèrement le quartier « trop excentrique, sans équipement, les rues ne sont pas pavées. Cette zone est la pire de toutes, humide, malsaine, gâtée par les mauvaises odeurs, exposée aux fièvres typhoïdes par l'influence des émanations d'un sol pénétré́ par des matières animales ». En dépit de son manque d’enthousiasme, le petit lycée prit donc la place de la première école normale féminine et y resta jusqu’en 1950. 

Réfectoire du petit lycée (carte non circulée - collection de l'auteur)

La rentrée de 1860 se fait au petit lycée avec quatre jours de retard, le 10 octobre. Encore quarante ouvriers ont-ils travaillé toute la nuit pour finir les travaux. Sur place, un censeur, l’ancêtre de nos proviseurs-adjoints, assure la direction quotidienne de l’établissement. Au départ il accueille 67 élèves, tous internes. Les bâtiments, construits entre 1860 et 1863, sont agrandis dans les années 1870, notamment pour accueillir plus de classes en internat.  A partir de 1878, le vaste parc est ouvert aux élèves. Les locaux finissent par dépasser les 5000 m2 de planchers. Le petit lycée accueillit environ 300 élèves à son étiage haut, environ le tiers de l’effectif du grand lycée. Du fait de l'absence d'internat, le recrutement était largement extérieur à Montpellier. Le confort n’est pas toujours douillet : les élèves font leur toilette dans les courants d’air et les dortoirs ne sont toujours pas chauffés en 1937. Pourtant le prix de la pension n'est pas à la portée de tous les revenus. La grille des tarifs communiquée par L'annuaire du département de l'Hérault de 1939 s'établit ainsi : 

En francs de 1939

1er cycle

Classes de 3e, 4e, 5e et 6e

Divisions élémentaires

7e et 8e

Classes primaires

1ère ap

2e ap

Classes enfantines

Externat simple

540

324

Externat surveillé

918

594

Demi-pensionnat

2700

2322

Pensionnat

4590

3986


Le prix s'entend pour l'année scolaire et si vous voulez y ajouter l'instruction religieuse, il vous en coûtera un modeste supplément de 39 francs. 

Le gymnase, construit sur un terrain acheté à la famille Lunaret en 1887
(carte postale sans date - collection personnelle)

En 1895 sont créées les installations sportives : c’est l’actuel stade Lieutenant Normand, ainsi dénommé en hommage à un officier mort au combat en Indochine. Une salle de gymnastique les complète en 1931.

Le petit lycée tel qu'ont dû le connaître les Soldiers students américains , carte postale sans date (collection personnelle)



Comme les autres propriétés de l’Eglise, le petit séminaire fait l’objet d’une expulsion et d’une confiscation. En 1907, il devient la caserne du 81erégiment d’infanterie. 

La caserne pendant la Grande guerre avec une scène de théâtre provisoire aménagé sur la cour principale (carte non circulée - collection de l'auteur)

A partir de 1914, la caserne est transformée en hôpital militaire de même que le petit lycée, qui devient l'hôpital auxiliaire n°3. Georges Dezeuze a décrit comment le petit lycée de la rue Lakanal hébergea en 1919 des soldiers students. Les troupes américaines avaient été acheminées durant de longs mois, sur des paquebots transatlantiques réaménagés en transports de troupes. Les rapatrier prenait au moins autant de temps. On les occupait donc à étudier. Une fois par semaine, une réception dansante, réunissait Français et Américains et permettait aux jeunes montpelliérains de découvrir les nouveautés américaines comme les voitures Ford et les confiseries. C’est à l’occasion de leur séjour que le petit lycée est raccordé à l’électricité. Une plaque commémorative rappelle le souvenir des « American Soldiers Students Headquarters ».


Carte circulée en 1906 (collection de l'auteur)


Lorsqu'en juin 1919 l'administration récupère le petit lycée, il est dans un état déplorable et les indemnités versées par l'association française de secours aux blessés sont loin de couvrir les frais de remise en état. 

Entrée de la caserne du 81e régiment d'infanterie, sans date (collection de l'auteur)

Pendant la seconde guerre mondiale, le petit lycée est d’abord réquisitionné par la Croix-rouge. Les cours reprennent après l’armistice de juin 1940. Il y eu à nouveau dans les murs un hôpital militaire. L’établissement revient pleinement à la vie civile après 1945.

Entrée principale de l'ancien petit séminaire (carte non circulée, collection de l'auteur)

De l'autre côté de la rue, l'ancien petit séminaire Saint-Firmin est affecté à l'armée de terre à partir de décembre 1906. Il reçoit le nom de caserne Chombart de Lauwe après guerre, du nom d'un capitaine du 81e régiment d'infanterie mort au combat en 1918. Caserne d'infanterie, il devient hôpital militaire au début de la seconde guerre mondiale. Son intérêt dans cette fonction est mise en doute par de Lattre de Tassigny. Dans le même temps l'évêque de Montpellier, Mgr Brunhes, multiplie les démarches auprès du maréchal Pétain et des autorités de Vichy afin d'obtenir la restitution du séminaire Saint-Firmin, sans succès.

Caserne du 81e régiment d'infanterie vers 1950 - carte postale (collection personnelle)

Depuis l’occupation de la zone sud en novembre 1942 et la bataille de Stalingrad, le cours de la guerre avait changé. La résistance intérieure se développait. A l’image de François Mitterrand, ceux qui avaient cru pouvoir faire quelque chose dans le cadre du régime de Vichy, y avaient renoncé pour rejoindre la résistance. D’autres, jugés trop tièdes, avaient été écartés. Comme l’a notamment montré Robert Paxton, si le régime de Vichy n’était pas par essence fasciste, il était de plus en plus dominé par des factions qui, elles, l’étaient indiscutablement. Tel était le cas de Joseph Darnand, un activiste d’extrême droite qui était officier de la Waffen SS. Sous la présidence de Laval, il avait créé en janvier 1943 une police politique et paramilitaire clairement fasciste, qui ne compta jamais plus de 15.000 excités réellement actifs. La plupart des Français jugeait à leur juste valeur ces prétoriens qui se voulaient l’incarnation de la vraie France. Ma grand-mère Lucienne, receveuse auxiliaire des PTT à Saint-Bauzille de Putois à l’été 1944, y faisait passer quelques messages au maquis de l’Aigoual où étaient ses deux frères ainés Marcel et Pierre Espinas. Dénoncée à la milice parce que la photo officielle de Pierre Laval, chef du gouvernement, avait une tâche d’humidité, elle fut séquestrée par des miliciens armés de mitraillettes pendant plusieurs heures et menacée de sévices corporels pour lui faire avouer des crimes imaginaires. C’était René Hoarau, chef de la milice de l’Hérault, qu’elle avait face à elle. Ma grand-mère Lucienne ne dut son salut qu’au fait que ses geôliers de rencontre furent appelés plus loin pour des affaires à leurs yeux plus importantes. Elle en parlait encore quelques années avant sa mort avec le souvenir de la peur et un souverain mépris, sans haine pourtant tant elle était bonne chrétienne et les avait sincèrement pardonnés, au point de refuser de témoigner au procès de leur chef.

La haine de la population était une réalité et en mai 1944, les miliciens s’installent avec leur famille dans la caserne de Lauwe réquisitionnée, pour se mettre à l’abri des résistants. Peu contrôlée, ayant pouvoir sur la gendarmerie et peuplée de paranoïaques, la milice voit des terroristes et des communistes partout. Elle arrête ces personnes fichées comme « suspectes », interroge et parfois exécute sommairement celles et ceux qui ont résisté à ses interrogatoires. Même le maréchal Pétain constate en 1944 leur « hideuse réputation. » C’est entre le débarquement du 6 juin 1944 et la libération de Montpellier en août 1944 que se déchainent les tortionnaires de la milice. Dans les caves de la caserne de Lauwe, quatre ou cinq inspecteurs torturent longuement hommes, femmes et adolescents, en tout 94 personnes. Après de longues heures dans les caves à charbon insalubres qui servent de cellules. Les corps de plusieurs personnes qui ne survécurent pas à leurs tortures furent retrouvés dans les caves. D’autres disparurent dans des tombes sommaires ou furent jetés dans la Mosson ou même dans la mer à Palavas. 

Le 10 août 1944, Darnand invite ses ouailles à se disperser. Les voies de circulation sabotées ou déjà aux mains de la résistance ou des alliés rendent leur exode chaotique et pas toujours facile à suivre. Le 16 août 1944, le train qui devait évacuer les familles des miliciens ne part pas. Il reste quatre jours bloqué en gare de Montpellier. Le 20 août, la Croix-Rouge finit par évacuer femmes et enfants mais refuse de se charger des miliciens hommes. Ironie de l’histoire, les femmes et enfants de miliciens furent chrétiennement accueillis par le père Prévôt à l’enclos Saint-François, là même où quelques mois plus tôt ce prêtre respectable abritait des enfants juifs. La milice brula ses dossiers le 21 août dans l’espoir vain de faire disparaître assez de preuves pour cacher ses forfaits. Le 24 août, Montpellier fut enfin libéré. L’épuration commençait, que le gouvernement provisoire de la République canalisa rapidement. Tous ne furent pas punis. Une partie des miliciens réussit notamment à atteindre l’Espagne.

Après la guerre, la caserne de Lauwe change à nouveau d’affectation. De 1947 à 1956, elle accueille les étudiants de l’école du service de santé militaire de Lyon. Leur école a été détruite par un bombardement anglais à l’été 1944. La caserne de Lauwe leur offre un cadre militaire et c’est à la faculté de médecine de Montpellier qu’ils font leurs études.  

Mais surtout, la caserne de Lauwe devient une école militaire. Depuis la guerre de cent ans, il a toujours existé dans les armées des personnels chargés de s’occuper de l’intendance, du paiement de la solde et de façon plus générale de l’administration et de la logistique militaire. Ces commissaires des guerres furent remplacés au moment de la Restauration par l’intendance militaire, réorganisée en 1984 en commissariats aux armées, une pour chaque arme. Montpellier était l’école du commissariat de l’armée de terre, qui accueillait une trentaine de lauréats à ce concours chaque année. En 1961, la rue avait été rebaptisée rue du 81régiment d’infanterie. Cette école, couramment appelée de son sigle l’EMSAM (école militaire supérieure d’administration et de management), avait succédé à l’école militaire d’administration, créée en 1925 et installée à Montpellier en 1947 dans la caserne de Lauwe. Je me souviens d’avoir rencontré des représentants de cette école à la fin des années 1990, quand ils venaient à Sciences Po faire la promotion de l’EMSAM auprès des étudiants de la rue Saint-Guillaume. Au 1erjanvier 2010, les commissariats sont fusionnés en un service du commissariat des armées, interarmes et placé sous les ordres du chef d’état-major des armées. Les écoles fusionnent également et les derniers élèves de celle de Montpellier finissent leur scolarité à Coëtquidan, avant l’installation de la nouvelle école à Salon-de-Provence en 2010. 

De l’autre côté de la rue, le petit lycée fonctionnait à nouveau comme avant-guerre à partir de 1945, avec quelques ajustements. Il accueillait notamment les élèves de plusieurs classes préparatoires. Mais les locaux se dégradent au point qu’un professeur repeint lui-même sa classe avec l’aide de ses élèves en 1953. Il n’y avait plus guère d’intérêt à les entretenir, les locaux devant depuis 1948 revenir à l’armée. En effet, celle-ci cédait progressivement la citadelle pour y accueillir à la fois le grand lycée et le petit lycée. Dès 1949, la préparation militaire parachutiste occupe le bâtiment donnant sur la rue Turgot. En échange, l’armée récupérait le petit lycée qui devenait en 1954 la caserne Aspirant Tastavin. 

La caserne Tastavin accueille d’abord la 74ecompagnie divisionnaire, que vient rejoindre en 1976 la 54compagnie divisionnaire. 

Un des bâtiments neufs construits pour l'Internat d'excellence côté Caserne Tastavin
Façade sur la rue Turgot - octobre 2018 (collection personnelle)

Les locaux récemment libérés par l’école du commissariat de l’armée de terre et leur emprise foncière importante excitaient les convoitises. Mais la même année, en 2010 donc, Nicolas Sarkozy alors président de la République lança la politique des internats d’excellence. Il s’agissait d’accueillir les élèves doués et motivés issus de milieux défavorisés de l’école primaire au baccalauréat. Interrogé par La Gazette, le Recteur Philip se montre prudent : « Il n’y a pas de recette et personne ne prétend que l’internat d’excellence sera le modèle absolu. C’est un moyen de favoriser l’égalité des chances, en donnant la priorité à ceux qui viennent des zones urbaines sensibles et aussi de certaines zones rurales ». Dès la rentrée de septembre 2010, préparée dans des délais très courts, le premier Proviseur, Michel Sirvent, prévient : « Il ne s’agit pas d’un Internat pour élèves excellents, mais au contraire d’une structure dont ils ont besoin pour arriver à l’excellence ». Équipe pédagogique recrutée de façon profilée, accompagnement personnalisé, travail par groupes de compétences, évaluation positive, l’Internat d’excellence première manière se veut un lieu d’expérimentation pédagogique au bénéfice des élèves accueillis. Les moyens matériels étaient importants, 65 millions devaient être investis. Sur le plan architectural, la réhabilitation de deux sites de la cité scolaire (Lauwe et Tastavin) est une vraie réussite. Le CDI installé dans l’ancienne chapelle est un exemple de réaménagement d'un lieu pour un usage différent de celui pour lequel il avait été conçu.

Sur le plan pédagogique, le projet a dû être modifié en cours de route. L’idée de priver les établissements accueillant de fortes concentrations d’élèves en difficulté de leurs élèves les plus motivés avait été globalement mal accueillie en éducation prioritaire. Au mieux de la capacité prévue, les internats n’auraient pu accueillir au maximum que 4% des élèves issus des zones urbaines sensibles. Du côté des parents, l’internat avait souvent une image assez fausse de sévérité, utilisée comme une menace punitive - « si tu ne travailles pas, je te mets en internat »-, ce qui rendait la démarche difficile. Le recrutement peinant à s’effectuer, les internats ont rapidement dû accueillir des publics en difficulté très différents de ceux visés initialement. Sans surprise, cette concentration d’élèves en difficulté scolaires, familiales, sociales ou de santé, provoqua des tensions et des événements propres à donner une mauvaise réputation à plusieurs de ces internats, dont celui de Montpellier, malgré un beau documentaire de France télévision qui en donnait une image attachante. Une affaire de bizutage filmé en 2015 sapa les efforts des équipes pédagogiques de l’établissement. 

Il fallut donc prendre des mesures radicales : supprimer la classe de CM2, profiter des installations sportives pour accueillir des élèves futurs sportifs de haut niveau et changer de nom pour passer à autre chose. Le nom de Simone Veil était un bel étendard, mais le collège Las Cazes, également dans le besoin d’un changement radical d’image, s’en para le premier. C’est donc celui de Françoise Combes qui fut finalement choisi pour la rentrée scolaire de septembre 2017. Née à Montpellier en 1952, cette normalienne, astrophysicienne, professeure au collège de France, est une spécialiste de la physique galactique et de la fameuse matière noire. Souhaitons à la cité scolaire sous ce nouveau patronage une réussite durable dans l'espace et dans le temps. 

L'ensemble des sources utilisées pour écrire ce feuilleton est disponible ici

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