Pierre-Rouge 18 : du château de Boutonnet à l'ensemble Sainte-Odile

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Sainte-Odile vers 1950, carte postale (collection personnelle)

Jusqu’au début des années 1970, un grand bâtiment dont l'architecture tenait à la fois du couvent et de la caserne occupait presque seul l’immense terrain bordé à l’ouest par la route de Mende et la rue Saint-Vincent de Paul. L’institution du Sacré-Cœur, que fréquenta ma mère, occupait cette bâtisse austère.

On l’appelait souvent dans le quartier le château de Boutonnet, puisqu’elle s’élevait à l’emplacement de l’ancien château seigneurial. Celui du Moyen-âge avait été détruit en 1562, la même année que l’église, par les protestants. Il se situait à l’emplacement de l’actuelle cité universitaire. Rebâti de l’autre côté de la route de Mende, le château accueillit des hôtes prestigieux, comme la Princesse des Ursins. Descendante des Médicis, cette beauté toscane était l’épouse du Duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc, elle dina au château de Boutonnet le 18 juin 1617 avant de faire son entrée solennelle dans Montpellier. A cette époque, Aymar de Louet-Calvisson, baron de Saint-Auban, était seigneur de Boutonnet. En 1638, Jean de Gauzon, patron du collège de Gironne, racheta château et seigneurie. La seigneurie et le château furent à nouveau vendus quatre fois au XVIIIe siècle. Les héritiers du dernier propriétaire d’ancien régime furent expropriés en 1798 et c’est le banquier Etienne Vidal qui racheta la propriété. C’est l’héritier du banquier Vidal, M. Fajon, qui vendit les 12 hectares de la propriété le 27 mai 1854 aux Dames du Sacré-Coeur. Celles-ci avaient fondé un pensionnat pour jeunes filles en 1851 et accueillaient des externes à partir de 1854, rue de la Garenne. 

Plan du Sacré-Coeur, sans date (avec l'aimable autorisation de Claire Parguel)

Les Dames du Sacré-Cœur firent abattre l’ancien château et à la place fut construit un vaste bâtiment, qui n’était pas encore achevé en 1861 lorsqu’elles s’y installèrent avec leurs 80 internes, abandonnant les locaux de la rue de la Garenne. Le grand bâtiment présentait un plan en H, un peu comme celui du séminaire Saint-Firmin, son contemporain.


Carte postale commémorative du cardinal de Cabrières (collection personnelle)

En 1906, les religieuses prirent le chemin de l’exil. Comme souvent ce fut bref. Monseigneur de Cabrières racheta leur propriété aux enchères pour 100 000 francs or en 1907 dans l’intention de faire cohabiter le petit séminaire et l’école des Dames du Sacré-Cœur dans les mêmes locaux. C'est dans ce lieu qu'Anatole de Cabrières fêta sa toute récente élévation à la dignité de cardinal lors d'une réception émaillée de discours le 4 février 1912. En novembre 1913, l'institution libre du Sacré-Coeur compte 300 élèves. 

Mais lorsque les Dames du Sacré Cœur reviennent à Montpellier en 1916, la situation a changé. De 1914 à 1919, une partie des locaux est réquisitionnée par l’armée, notamment pour y installer ce que l’on appelait alors l’hôpital militaire complémentaire n°44. Selon les périodes, cette structure dédiée aux blessés de guerre compta entre 370 et 450 lits. Les cours se poursuivent tant bien que mal, en partie dans des locaux provisoires. L'institution libre du Sacré-coeur accueille 139 élèves en 1915 mais seulement 85 en 1918. A la rentrée 1919, les religieuses purent récupérer le bâtiment central. L’évêché recherchait une autre solution pour le petit séminaire. Ce fut le père Prévost qui accepta de dépanner Monseigneur Hallé. Un dépannage qui allait durer neuf ans.

Pour les soeurs du Sacré-Coeur, l’intégralité du bâtiment leur est à nouveau dédiée à partir de la rentrée 1923. Si les habitants du quartier continuent à leur donner leur nom d’avant-guerre, c’est sous le patronnage de Sainte-Odile, sainte alsacienne qui donne à leur oeuvre un caractère patriotique, que fonctionne désormais l’établissement. A partir de 1934, Sainte-Odile prépare au baccalauréat. Fin 1942 l’occupation de la zone sud entraine celle du pensionnat par les troupes allemandes, mais l’enseignement ne s’interrompt pas. Entre 1959 et 1965, le diocèse réorganise l’enseignement catholique. Sainte-Odile perd ses classes de lycée au profit de Nevers et de la Merci. 

Ma mère avait commencé sa scolarité à l’Immaculée conception. La fermeture de l’école en 1969 lui fit passer ses années de collège au Sacré Coeur avant de poursuivre ses études à la Merci. 

Le bassin, carte postale (collection personnelle)

Le bassin en octobre 2018, pris dans la même direction (collection personnelle)

Inchauffable et impossible à mettre aux normes, le pensionnat est fermé en 1974. Seules les petites classes demeurent. Sur leur ancien jardin potager, les religieuses font construire les petits pavillons qui accueillent l’actuelle école Sainte-Odile à partir d’avril 1977. 


Ecole Sainte-Odile - octobre 2018 (collection personnelle)

Les soeurs vendent le reste de la propriété. Le grand bâtiment est démoli et la municipalité récupère l’ancien parc du château de Boutonnet pour en faire un jardin public. Une maison de retraite, le centre de la Roseraie, accueille des religieuses à la retraite parmi d’autres personnes âgées. Il existe un projet pour faire déménager le centre de la Roseraie avenue Saint-Lazare, sur le dernier terrain encore libre de toute construction des Franciscaines du Saint-Esprit

Des opérations de promotion immobilière ont occupé le reste du terrain, le long de la nouvelle rue du pré aux clercs. Les restes d’un puits et quelques arcades qui se trouvaient dans la cour de récréation ont été préservés. 

Le puits et les arcades - juillet 2018 (collection personnelle)

L'ensemble des sources utilisées pour le feuilleton est disponible ici

Commentaires

  1. http://maximenemo.over-blog.fr/2016/03/le-jeune-nemo-a-montpellier.html Merci infiniment pour cette rétrospective exhaustive sur l'institution.J'ai conservé le souvenir du passage de mon aïeul Maxime Nemo (1888-1975) devant Mgr de Cabrieres entre 1895 et 1898.Il a donné une représentation devant les élèves du Sacré Cœur et leurs enseignants dont je recherche le programme dans les Archives du Diocèse et la Presse locale de l'époque.Merci pour notre aide.

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