Pierre-Rouge 48 : Un foyer intellectuel progressiste et dreyfusard : l’Enclos Laffoux

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L'emprise de l'enclos Laffoux sur le plan dressé par l'architecte de la ville M. A Kruger - 1896
(Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) 

Thomas & Pastre évoquent, dans un ouvrage paru en 1930 et en termes allusifs, la création dans les années 1880 d’un enclos du côté nord de l’avenue de Castelnau. C’est l’enclos Laffoux. Son riche propriétaire, Auguste Laffoux, y fit bâtir des maisons sur de jolis jardins, qu’il mit en location. Même si plusieurs maisons furent construites selon les instructions d'Auguste Laffoux et portent les prénoms de membres de sa famille, l'ensemble 
n'avait rien d'une planification rigoureuse. Jean Milhaud le décrit ainsi : "L'enclos, qui existe encore aujourd'hui, est ce qu'on nomme à Paris une villa ou un hameau, c'est-à-dire un conglomérat de maisons d'habitations pourvues toutes d'un jardin et réunies par des allées ou des avenues. Les villas de Paris sont habituellement fortement urbanisées. Leurs allées sont pavées et leurs arbres entretenus. On y respire un air conformiste et bourgeois. L'Enclos Laffoux était, à l'opposé, une terre d'anarchie et le contraire de la construction en série."

C'est encore aujourd'hui un lieu qui semble préservé des outrages du temps et de l'urbanisation densificatrice.

Ce qui suit n'est pas une histoire complète de l'Enclos Laffoux. Il y manque un fond d'archives familial dont je ne sais s'il existe quelque part. Mais en mêlant diverses sources, voici ce que j'ai pu retracer. 

Auguste Laffoux et sa famille

Né le 17 août 1837 rue de la Barralerie, fils d'un marchand de nouveauté et petit-fils d'un serrurier, Auguste Laffoux est de ces hommes que l'expansion économique du Second Empire et de la IIIe République a fait prospérer. Orphelin à l'âge de 13 ans, Jean-Baptiste "Auguste" Laffoux épouse le 28 mai 1870 à Sète Jeanne Balbine Bresson, fille de négociant. Leurs quatre premiers enfants naissent tous au pavillon Saint-Ange, qu'il cédera plus tard à la famille Milhaud, se réservant une maison plus vaste et plus neuve, de l'autre côté de la chapelle où il aimait célébrer lui-même le mois de Marie. Jean Milhaud raconte que "chaque année, pendant tout le mois de mai, ce vieux sanctuaire désaffecté s'animait, des mains pieuses l'ornaient de toutes les fleurs des jardins et quelques privilégiés, parmi lesquels je crois bien que l'on ne compta jamais aucun de mes chers universitaires, se réunissaient lorsque le soir venait. On entendait alors une voix juvénile célébrant les bienfaits de la vierge Marie. C'était celle, non d'un choeur de jeunes filles, mais de l'octogénaire père Laffoux, parfois seulement secondé par quelque enfant du cru." Autre preuve de la dévotion mariale d'Auguste Laffoux, tous ses enfants, y compris son fils, ont pour premier prénom à l'état-civil celui de Marie. 

L'emprise foncière ne s'est pas constituée d'un coup. Auguste Laffoux a patiemment acheté des terrains pour étendre ses possessions dans le quartier. Très souvent, il s'agit d'investissements qu'il rentabilise en les louant. Par exemple, le 21 décembre 1874, Auguste Laffoux loue à Jules Gay une "maison de campagne" dite villa St Joseph au quartier de la Pierre-Rouge pour 600 francs par an et la durée de 3 ans et 7 mois.

Ainsi le 3 août 1877, Auguste achète devant Me Coste 130 m2 de terrain à bâtir en dehors de l'Enclos, sur un terrain qui fait l'angle entre l'actuelle avenue de Castelnau et la rue Abert qui n'est pas encore ouverte. Le vendeur est un tailleur de pierre, Cyprien Sache, ancien équarrisseur, qui tenait lui-même ce terrain de Marguerite Louis Abert, épouse Descournut, qui le tenait elle-même de sa grand-tante.

Il arrive aussi qu'Auguste Laffoux doive céder des terrains, comme il le fait en 1885, au bénéfice de la mairie, pour l'alignement du chemin de Nazareth (78 mètres carrés).

Si la plupart des constructions ont lieu après 1880, il semble que l'enclos avait déjà commencé à prendre forme au moment du mariage d'Auguste. Alexandre Westphal évoque dans ses souvenirs liés à la villa-Louise la constitution d'une ambulance à l'enclos Laffoux pendant l'hiver 1870-1871, à laquelle participèrent sa mère Amélie et sa tante Louise. Il affirme qu'elle durent se retirer "à cause des tracasseries que leur valut leur qualité de protestantes". J'ai peine à le croire, en pensant à tous les occupants protestants de l'Enclos par la suite. 

La chapelle mariale de l'Enclos Laffoux et sa statue érigée suite à la guérison de Mlle Laffoux en 1889
(cliché de l'auteur - 7 août 2019)

Les Laffoux étaient de fervents catholiques. Une première statue de la vierge Marie porte sur son socle la date du 14 août 1864. En 1889, alors qu'une de leur fille est mourante, les Laffoux font appel au père Emprin pour la confesser. Celle-ci guérit, ce que le biographe du père Emprin et les Laffoux sans doute attribuent à un miracle. En remerciement, la famille Laffoux fit ériger une statue de la vierge et donnèrent la villa Félicie au père Emprin. Leur fille ainée Marguerite (1872-1937), fut dame de la Charité, oeuvre que son père avait contribué à fonder en donnant le terrain au père Emprin pour sa maison d'orphelins. Mme Laffoux lui apporte une aide régulière en patronant un ouvroir, sorte d’atelier de couture tenu par des dames charitables, qui permet de vêtir les orphelins.

Avec le même père Emprin, M. Laffoux créé un centre pour les hommes du quartier de la Pierre-Rouge. Le professeur Grasset prête le local, qui se compose d’une salle de réunion avec un billard, une scène et des jeux au rez-de-chaussée et d’une chapelle à l’étage. Le père Emprin y explique les évangiles aux hommes. Les femmes sont admises dans une pièce à part d’où elles peuvent voir l’autel de la chapelle. Le père Emprin, sans jamais se départir de la dignité de son sacerdoce, sait se rendre accessible à des personnes issues de milieux très divers. 

Toujours avec le père Emprin, M. Laffoux, fonde la conférence Saint-Vincent-de-Paul du quartier, présidée par le baron Serres. C’est encore lui qui fait faire la croix de la Pierre-Rouge, érigée sur un terrain donné le professeur Grasset. Le 7 avril 1890, lendemain de Pâques, la croix de la Pierre-Rouge est portée par les hommes du quartier en partant de la Solitude de Nazareth. La procession passe par l’Enclos Laffoux où elle s’arrête aux statues de la vierge Marie et de Saint Joseph. 

La famille occupe pour son usage personnel la villa Wilfrid. En 1886, elle emploie deux domestiques (Louis Michel, 46 ans, Marie Henne, 16 ans) et une concierge Marie Lombard, 46 ans.

Pavillon du concierge et pavillon en face le concierge (cliché de l'auteur - août 2022)

Lors de la liquidation  de la succession d'Auguste Laffont, en janvier-mars 1917, l'enclos se composait de 22 lots bâtis encore en possession de la famille. La villa Félicie, donnée en 1892 au père Emprin et les terrains de l'imprimerie de la charité n'en faisaient plus partie. Le statut de certaines maisons est incertain. La villa Paule a-t-elle été vendue auparavant ? Ce qui reste se décompose comme suit (valeur du bien en francs or sur l'enregistrement de la succession entre parenthèses) : 

A Joseph Laffoux depuis son mariage : 
1- Villa Sainte Marie (20.000 francs)
2- Villa Wilfrid (15.600 francs)
3- Villa Henri (9300 francs)
4- Villa de l’Horloge (8000 francs)
5- Villa Saint-Antoine (5400 francs)
6- Un terrain vacant (2000 francs)

Portail de la villa Piron (cliché de l'auteur - mars 2019)

A partager entre les 3 filles : 
7- Villa Hélène (13.600 francs)
8- Pavillon Saint-Ange (20.000 francs)
9- Villa Saint Bernard (9600 francs)
10- Villa Piron, ancien chemin de Castelnau (13.000 francs) : 650 francs de revenu (louée verbalement 700 francs par an)
11- Villa Marguerite : (17.600 francs)
12- Pavillon en face le concierge (1800 francs)
13- Villa Bresson (16.000 francs)
14- Villa Jeanne (2400 francs)
15- Villa Victorine (18.000 francs)
16- Villa Saint Roch (24.000 francs)
17- Villa Jenny (16.000 francs)
18- Villa Joseph (15.000 francs)
19- Villa Saint-Charles (5000 francs)
20- Villa Saint-François (9200 francs)
21- Villa Saint-Vincent (8000 francs)
22- Pavillon du concierge (1600 francs)
23- Villa Saint-Germain (9000 francs)
24- jardins et terrains devant servir (…) à des constructions nouvelles (5000 francs)

Villa Paule, absente de la succession en 1917 (août 2019, cliché de l'auteur)

Les descendants d'Auguste Laffoux

En 1929, Mme Laffoux souscrit pour 100 francs au portrait du cardinal de Cabrières confié à Marsal. 

Parmi les enfants d'Auguste Laffoux, Joseph Laffoux (né en 1878) se fait remarquer dans la presse pour ses talents artistiques. Etudiant, il fait partie de la première promotion de l'école supérieure de commerce de Montpellier, fondée en 1897, où il est reçu 29e sur 36. Mais ce sont ses talents musicaux qui font parler de lui. Ainsi, en 1899, son opérette Un bâton dans les roues, dont le livret est dû à un autre montpelliérain Van Breulen, est donnée à Montferrier par la troupe de la Basoche. Cette pièce commique ne l'empêche pas d'être reconnu pour un répertoire plus sérieux. En avril 1899, il est déjà cité comme organiste de Notre Dame des Tables. Le 8 septembre 1899 pour la fête des enfants à Notre Dame des Tables, c'est lui qui tient les grandes orgues et La vie montpelliéraine salue un talent "dont l'éloge n'est plus à faire"

Le jeudi de l'Ascension en 1900, alors qu'il est encore étudiant, deux de ses compositions sont jouées, pour une matinée de bienfaisance, au parc Montplaisir à Castelnau-le-Lez. Le journal mondain La vie montpelliéraine en rend compte, citant deux des chansons écrites par Joseph Laffoux parmi les meilleures. Il s'agit de Les automobiles et de Les Comices, pièces humoristiques chantées par J. Claire-Marie. Joseph Laffoux est par la suite resté attaché à son école ; je l'ai trouvé à plusieurs reprises cité dans le comité de l'association des anciens élèves.

En mai 1907, son mariage avec Mademoiselle Chapel est célébré à l'église Sainte-Anne, avant le banquet et le bal à l'hôtel Métropole. 

Après son mariage, Joseph Laffoux continue à donner des preuves de ses talents pianistiques. A l'occasion, il dirige aussi des choeurs. En janvier 1921, au mariage de Georges Pellet et Marie Brun, Joseph Laffoux tient non seulement l'harmonium "avec sa maestria habituelle" dit le journal mondain mais aussi le piano pour le bal. Entretemps il a dit avec d'autres des poésies et monologues. 

Son fils Edmond Marie Etienne Laffoux alias Edouard Dick, a rejoint les Français libres à Londres dès le 12 juillet 1940 par Saint-Jean-de-Luz. Aviateur, il trouve la mort en Centrafrique le 22 avril 1942.

Carte de correspondance de Jean Laffoux à sa mère envoyée le 22 août 1942 (collection de l'auteur)

Son frère Jean (1909-1973) n'eut pas la possibilité de faire le même choix. Prisonnier de guerre en 1940, c'est en Allemagne qu'il passa le reste de la Seconde guerre mondiale. Au hasard d'une vente de vieux papiers, j'ai acheté une lettre envoyée à sa mère le 16 août 1942. Est-il au courant de la mort de son frère ? Rien ne l'indique : "Bien chère Maman, c'est avec plaisir que je viens de recevoir ta carte du 23 juillet et suis très heureux vous savoir tous en bonne santé". Le reste révèle le quotidien du prisonnier, rythmé par les changements de commandos, les alertes, les colis de nourriture et de cigarettes, ainsi que la désinfection des chambrées contre les puces de lit. Il y est aussi question de sa tante Hélène.

Ma mère a été à l'école avec une fille Laffoux dans les années 1960. Le frère de celle-ci a longtemps eu un laboratoire de photographie à Séverac-le-château, dont une de nos cousines était une fidèle cliente.

L'enclos au temps de l'affaire Dreyfus

A la fin du XIXe siècle, c’est un cénacle dreyfusard, qui a reçu la visite de Jean Jaurès, vraisemblablement autour du 2 juillet 1898, au moment où le député de Carmaux prononce un discours au théâtre municipal devant un public estimé à 3000 personnes. Cette réunion, comme celle de Sète la veille, s’est déroulée dans un climat houleux, sur fonds de polémiques entretenues par la presse d’opinion locale que l’affaire Dreyfuss porte à incandescence.

Le 18 septembre 1898, La vie montpelliéraine révèle que le colonel Picquart, militaire qui a révélé l'innocence de Dreyfus, est le beau-frère de Jules Guay, ancien professeur de physique au lycée de Montpellier et résident de l'Enclos Laffoux, où le colonel est souvent venu rendre visite à sa soeur.

Des figures comme le philosophe Marcel Bernès, le sociologue Célestin Bouglé, sont à l’époque des résidents de l’enclos Laffoux. Célestin Bouglé annonçait les bonnes nouvelles au cor de chasse dans l’Enclos, où le téléphone n'arrivait pas encore (il existait dans l'Ecusson depuis le 15 juin 1892). Bouglé lance la même année une université populaire, censée « combattre l’ignorance, mère de la violence et du désordre, et répandre dans les masses les lumières de la science, les joies pures de l’art…, la tolérance pour les opinions et le culte de la liberté. » Ce vaste programme est aussi soutenu par de nombreux résidents de l'Enclos et du voisinage.

En 1901-1902, on trouve au comité : Max Bonnet et Gaston Milhaud (professeurs à la faculté de Lettres), Jules Bouniol (professeur au lycée) vice-président du bureau, M. Meslin (professeur à la faculté des sciences), M. Charmont de la villa Chambéry, M. L. Planchon (professeur à la faculté de pharmacie) du 5 rue de Nazareth, qui est président du bureau, Bernard Pierre (surveillant des travaux de la ville), 24 rue du Refuge, vice-président du bureau, Charles Rist (professeur à la faculté de droit), villa Mireille rue de Nazareth ou encore l'ancien adjudant Varlet, 62 rue de Lunaret.

Les professions plus tournées vers le monde économique sont moins fréquentes, mais pas inexistantes. A la Belle-époque, La vie montpelliéraine publie à de nombreuses reprises une publicité pour un filtre de robinet vendu par M. Bugnod de Jussieu : 



La villa Saint-Ange et la famille Milhaud

La villa Saint-Ange n'est séparée de celle d'Auguste Laffoux que par la chapelle où le fondateur de l'Enclos célébrait lui-même le mois de mai, dédié à la Vierge Marie. 

Gaston Milhaud (1858-1918), normalien et philosophe un peu oublié, fut d’abord professeur de mathématiques spéciales au lycée du Havre. Il réside à l’enclos Laffoux à l’époque de l’affaire Dreyfus. En mars 1909, sa fille Simone, âgée de seulement 16 ans, décède d'une pneumonie. Ce deuil et une chaire obtenue à la Sorbonne le font partir en 1909 après dix-neuf ans de séjour. Issu d’une famille juive du comtat Venaissin, son prénom de naissance était Samuel, il adopta un prénom « assimilé » comme l’ensemble de ses frères et sœurs. Il présida la section montpelliéraine de la ligue des droits de l’homme. 

Son fils Jean Milhaud (1898-1991), polytechnicien, fonda en 1926 le CEGOS (Commission Générale d'Organisation Scientifique du Travail), dont il fut le premier secrétaire général. Cet organisme développa en France les concepts d'organisation scientifique du travail et de management. Devenu un groupe international en 1956, CEGOS est aujourd'hui un des leaders mondiaux de la formation continue. Les mémoires de Jean Milhaud m'ont beaucoup appris sur la vie de l'Enclos au début du XXe siècle.  

En 1937, c'est M. Béranger, Inspecteur primaire, membre de l’association des géographes français, qui réside villa Saint-Ange

Parmi les figures de l'Enclos décrites par Jean Milhaud, on peut citer Max Bonnet "un latiniste austère." En effet, il avait fait une thèse sur le latin tardif de Grégoire de Tours, soutenue en Sorbonne en mai 1890. D'apparence sévère, mais doté d'un grand coeur, il ne transigeait pas avec ce qu'il estimait juste. (...) La famille Bonnet représente, dans mon souvenir, à elle seule, l'esprit de l'Enclos. leur maison était toujours ouverte aux étrangers. Mme Bonnet se consacrait, avec ferveur, à de nombreuses oeuvres humaines. Faire la lecture aux femmes enfermées dans la maison d'arrêt, laver les enfants partant pour les colonies de vacances... Elle avait un grand talent de dessinatrice." C'est d'ailleurs elle qui apprit le dessin à Mme Milhaud.

"Georges Meslin était un très grand physicien. Il s'associait volontiers à toutes les oeuvres d'éducation intellectuelle. Je me rappelle le jour où, en grand mystère, Meslin raconta qu'il venait de recevoir un brin de radium."

"Marcel Bernès, philosophe taciturne, avait déjà quitté Montpellier pour Paris lorsque j'atteignis l'âge à partir duquel on se souvient de la qualité des hommes qu'on a connus. Son souvenir et celui de sa famille planaient sur l'Enclos, comme celui de nous tous l'avait suivi à Paris. Il avait été heureux à Montpellier et estimait qu'il devait un hommage au milieu qui l'avait entouré. En reconnaissance de ce bonheur enfui - il avait en effet perdu successivement sa femme et son plus jeune fils- il avait pris, sitôt installé à Paris, le plan d'envoyer tous les ans un colis de cadeaux de Noël à tous les enfants de l'Enclos..." Cela concernait environ vingt cinq enfants tous les ans. "Nous l'attendions avec passion. Les enfants au-dessous de 14 ans recevaient un jeu, les plus âgés, un livre. (...) je reçus de belles éditions de Sophocle, Fromentin, Flaubert..., des éditions que je n'eusse jamais achetées sans cela. L'ami Bernès m'avait reporté sur une lointaine jeunesse une sorte d'amour mystique qui se confondait avec un culte familial. (...) Il fallait, chaque fois, lui écrire une lettre de remerciements et cela était le revers de la médaille car on ne savait ce qu'il fallait lui dire pour lui faire plaisir."

Les protestants de l'Enclos Laffoux

Le 2 juillet 1907 at lieu le mariage de la fille du pasteur Charles Luigi, Marguerite, avec l'ingénieur biterrois Henri Winckler. Le pasteur Luigi célèbre lui-même le mariage religieux rue Brueys. La noce se rend ensuite en cortège à l'Enclos Laffoux où les Luigi reçoivent pour le lunch. La Vie montpelliéraine détaille les noms de présents, salue les tenues vestimentaires de certaines jeunes filles invitées, dont la famille Milhaud, mais pas les Laffoux.

Albert Monod (1877-1922), fils de pasteur, était professeur au lycée de Montpellier, puis à la faculté de théologie. Arrivé à Montpellier en 1904, il s'était installé dans l'Enclos Laffoux qui convenait à son esprit. En 1918, l'académie française lui décerna le prix Bordin, d'un montant de 1000 francs, pour un essai approfondi sur les défenseurs du christianisme, intitulé De Pascal à Châteaubriand. Le livre est issu de sa thèse de lettres, soutenue en 1916, dans laquelle il dépouilla plus de neuf cent traités religieux. Son frère Gustave Monod, directeur de l’enseignement secondaire sous le gouvernement du Front populaire, fut révoqué par Vichy de ses fonctions d'Inspecteur d'Académie de Paris pour avoir protesté comme la législation antisémite en 1940. 

Le fils d'Albert, Jacques Monod (1903-1944), normalien, agrégé de lettres, professeur en classes préparatoires, était aussi écrivain. Né à Pau, il a grandi à l'Enclos Laffoux et a fait une partie de ses études au lycée de Montpellier. Résistant, maquisard, il fut tué le 20 juin 1944 dans le Cantal, alors que son unité se retirait devant une attaque allemande.

Une série de photos de famille encore non identifiées

En décembre 2018, j'ai acheté un lot de 5 photos qui portaient toutes une date, plus ou moins précise et la mention Enclos Laffoux. Rien qui permette d'identifier les personnes présentes sur les photos ni même d'affirmer qu'il s'agissait de membres de la même famille. La maison elle-même n'était pas identifiable après une promenade un peu attentive dans l'Enclos. Je n'ai pas osé déranger les résidents pour essayer d'en savoir plus. Qui sait, ce billet me permettra-t-il d'en apprendre davantage ?

Enclos Laffoux - août 1890 (collection de l'auteur)

Enclos Laffoux - 1895 (collection de l'auteur)

Enclos Laffoux - 11 février 1900 (collection de l'auteur - photo retouchée par Daniel Clauzier)

Enclos Laffoux - 11 février 1900 (collection de l'auteur, retouchée par Daniel Clauzier)


Enclos Laffoux - 1904 (collection de l'auteur)

Un endroit hors du temps

La ferveur religieuse d'Auguste Laffoux a trouvé une postérité symbolique dans l'Institut Notre Dame de vie qui est présent dans l'Enclos depuis 1975. C'est un institut séculier, c'est-à-dire une structure religieuse dont l'existence est prévue depuis 1947, qui s'adresse à des personnes, prêtres ou laïcs des deux sexes, qui veulent d'une vie religieuse non monastique. A Montpellier, dans la villa Paule de l'Enclos Laffoux et une autre, ce sont des colocations pour étudiantes qui en font l'originalité, tout près d'une autre où vivent des laïques consacrées.

Il existe toujours une SCI de l’Enclos Laffoux ; depuis 2010 son siège est à Salles-Curan. Il existe également une association fondé en mars 2014, dont le siège social est dans la villa Paule et dont le but est de : "développer par le bénévolat de ses membres toute activité à but éducatif, culturel, humanitaire ou social ; apporter par tous moyens toute aide à toute structure à but non lucratif, ayant un objet éducatif, culturel, humanitaire ou social ; acquérir et conserver des titres de sociétés à prépondérance immobilière ayant pour objet la location d'immeubles notamment à des structures à vocation éducative, culturelle, humanitaire ou sociale."

L'ensemble des sources utilisées pour l'écriture de ce feuilleton, ainsi que les remerciements aux personnes qui ont bien voulu m'offrir leur aide, est détaillé ici.

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