Pierre-Rouge 26 : les institutions religieuses à travers le temps

L'ensemble des épisodes déjà paru est disponible ici

Une allée de l'Enclos Saint-François (carte postale circulée en 1934 - collection personnelle)

Avant de passer à la suite de ce feuilleton, après plusieurs semaines d'interruption de la parution, je prends le temps d'un bilan des billets consacrés aux institutions religieuses du quartier. C'est l'occasion pour moi de partager des cartes ou des photos trouvées après la parution des billets consacrées aux lieux qu'elles représentent. 

Dortoir de l'Immaculée Conception (carte issue d'un carnet complet, inutilisé - collection personnelle)

Au terme de cette exploration des institutions religieuses, il me reste bien sûr des questions sans réponse. Je n’ai pas pu trouver où était précisément la "maison de Montasinos", qui appartenait aux sœurs de Saint-Vincent de Paul et à quoi elle servait, ni le nom de l’architecte de la villa Savine, ni d'image ancienne de le villa Savine, de l'école Saint-Léon, de l’Enclos Farel... Qui sait, ces réponses se trouveront peut-être sur la suite du chemin de mes recherches ? 

Chapelle Saint-Jean, avenue de la Justice de Castelnau (collection personnelle - octobre 2018)

Pour certains endroits, je n’ai pas trouvé assez d’informations pour écrire un texte à part. C’est le cas de la chapelle Saint Jean, qui se trouve sur l’avenue de la Justice de Castelnau, côté sud, entre la rue du gros Olivier et le supermarché. C’est une modeste chapelle moderne, qui relève de la paroisse Sainte-Bernadette. Un mécène anonyme en a financé la construction. Bâtie en 1973, elle peut accueillir 150 fidèles. Sa surface au sol est de 698 m2. Lors de sa création, c’était le curé de Castelnau-le-Lez qui en était le desservant.

Depuis quelques années, elle n'est plus utilisée pour le culte qu'une fois par an, au moment des fêtes de fin d'année. Le reste du temps, elle accueille le CABAN (centre d'action bénévole d'accueil de nuit), une structure qui héberge ici jusqu'à 14 femmes sans abri, orientées par le 115. De mars à décembre 2019, 65 femmes de 35 nationalités différentes y ont été accueillies. Plus qu'un toit, les femmes accueillies y trouvent un repas du soir, des produits d'hygiène et surtout un accueil humain. 

La chapelle Saint-Jean est la construction catholique la plus récente dans l'histoire d'un quartier dont la géographie est profondément marquée par les institutions religieuses.

Enclos Saint-François - la villa Félicie débarrassée des échafaudages de son ravalement
(collection personnelle - mars 2019)

Ce sont les fondations religieuses plus que la seigneurie de Boutonnet qui ont structuré le quartier de la Pierre-Rouge à partir du XIIe siècle : maladrerie Saint-Lazare, enclos des Dominicains, enclos Saint-Antoine, première installation des Carmes, église Notre-Dame de Boutonnet, couvent de Saint-Maur… La peste noire au milieu du XIVe siècle donne un premier coup d’arrêt à cette dynamique, dont les guerres de religion deux siècles plus tard ne laissent presque rien.

Immaculée conception - salle de travail manuel (carte issue d'un carnet complet, inutilisé - collection personnelle)
La contre-réforme concentre ses efforts sur la vieille ville close. Il faut attendre le règne de Louis XIV et la construction du couvent des Récollets de 1663 à 1716 pour que l’expansion des institutions religieuses reprenne. L’absence d’église paroissiale du fait de la non reconstruction de Notre Dame de Boutonnet semble avoir pesé sur la pratique religieuse catholique. La Révolution marque un temps d’arrêt et le mouvement ne reprend timidement qu’avec l’Empire et la création du nouveau séminaire dans l’ancien couvent des Récollets.

Le XIXe siècle missionnaire est celui d’une colonisation du quartier par les ordres religieux renaissants ou nouveaux. Cet âge d’or des congrégations est à peine ralenti par la séparation des églises et de l’État et se prolonge jusqu’à l’entre-deux-guerres.


Enclos Saint-François - salle d'étude
(celle des 2ndes dans les années 1990 - carte non circulée vers 1930 - collection personnelle)

La liste des fondations est impressionnante et s’étale sur un siècle : l’école religieuse de l’Immaculée conception (1837-1969), la Solitude de Nazareth (1843-2002), le Refuge (1847-vers 1945), la maison des petites sœurs des pauvres (1859), le pensionnat des sœurs de la miséricorde de Moissac (1859-vers 1960), le pensionnat des Dames du Sacré-Cœur (1861-1974), le petit séminaire (1867-1907), les Frères des écoles chrétiennes (1867), la chapelle Saint-Léon (1875), l’école catholique Saint-Léon (1882-1985), l’orphelinat des Franciscaines de Grèzes puis de l’enclos Saint-François (1887), l’imprimerie de la Charité fondée par le père Emprin (1894-2006), le couvent de la villa Savine des Franciscaines du Saint-Esprit (1894) et leur école des anges-gardiens (1943-1996), le collège puis lycée catholique de la Pierre Rouge (1911-2009), les Dominicaines des Tourelles (1916-1976) et enfin le couvent Saint-Antoine des Capucins (1934-1982).

Au-delà des endroits, le quartier s'incarne dans des figures, particulièrement dans celles des prêtres qui y ont fait les fondations les plus importantes : Coural pour Nazareth, Emprin pour la Charité et Prévost pour l'Enclos Saint-François.

Enclos Saint-François - entre la villa du père Prévost et la salle bleue (carte postale vierge, vers 1930 - collection personnelle)

Depuis les années 1960, une nouvelle phase de repli et de déclin, qui semble durable. Le recul de la pratique et des vocations religieuses a fait reculer le besoin des institutions religieuses, tout comme le développement d’autres prises en charge de la pauvreté, de la maladie et du handicap. L’augmentation de la population et la pression foncière ont valorisé les propriétés de l’Église et des ordres religieux : autrefois périphériques et agricoles, elles ont été rattrapées par la ville et sa densification. De beaux bâtiments ont disparu à jamais, comme le couvent des Tourelles de Dom Bellot. D’autres ont subsisté. Certains ont gardé la même fonction mais sans encadrement catholique, comme Nazareth, d’autres ont changé de fonction à travers leur vente, comme l’Immaculée conception dont l’ancienne chapelle est à présent une synagogue.

L'Immaculée conception - le réfectoire (carte issue d'un carnet complet, inutilisé - collection personnelle)

Les écoles catholiques n’ont pas disparu, en fait elles accueillent un nombre grandissant d’élèves, mais elles se sont concentrées et leur encadrement est devenu laïc. Pour beaucoup de parents, la dimension confessionnelle est passée au second plan dans le choix qu’ils font de ne pas envoyer leur enfant à l’école publique.

Beaucoup de congrégations ont disparu ou fusionné. Celles qui subsistent sont vieillissantes et ne regroupent plus qu’un effectif réduit. L’autonomie paroissiale, tardivement acquise, a disparu au début des années 2000 dans le grand regroupement des paroisses du diocèse. La construction du centre diocésain est à contre-courant de ce reflux. Encore ne s’agit-il que d’un déménagement en dehors du centre ancien, et sur un terrain qui était déjà une propriété religieuse. 

Dans les prochaines semaines, je mettrai en ligne des billets sur d'autres lieux du quartier.

L'ensemble des sources utilisée pour la rédaction de ce feuilleton est disponible ici . 

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