Pierre-Rouge 59 : L'ancien chemin de Castelnau, la route de Nîmes et l'Octroi

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L'ancien pont de Castelnau sur un essai de reconnaissance militaire d'Amelin, vers 1830
(Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

De la voie domitienne à l'autoroute actuelle, la principale voie de circulation d'est en ouest n'a cessé avec les siècles de de se déplacer vers le sud. L'ancien chemin devenu avenue de Castelnau a été remplacéeau XIXe siècle par la route de Nîmes, actuelle avenue François-Delmas. Voici quelques éléments sur l'histoire de ces deux voies.

L'ancien chemin de Castelnau

« Le vieux chemin était devenu une artère drainant la population citadine vers la campagne ; puis, une rue goudronnée ; maintenant une avenue, terme ambitieux car sa largeur est la même ». En une phrase, Frédéric-Jacques Temple a su résumer l’histoire du chemin de Castelnau, de l’ancien chemin et de l’avenue. Pour la largeur, on y reviendra, c'est un peu inexact. 

Thomas et Pastre évoquent plus simplement cet « ancien chemin qui va de la ville au cimetière, parmi les terrains vagues et les jardins potagers. »

Près le séminaire - dessin d'Amelin en 1823 (Memonum - Médiathèque centrale Emile Zola)

Le même endroit presque deux cent ans plus tard (août 2021 - cliché de l'auteur)

L’actuelle avenue de Castelnau est constituée de deux voies qui ne semblent même pas être en continuité, tant le changement d’axe au niveau du carrefour de la Pierre-Rouge est flagrant. C'est encore plus vrai depuis que les travaux de 1980-1981 et la ligne 2 du tramway dans les années 2000 ont enlevé au carrefour tout ce qui en faisait une place. En l’absence d’obstacle de relief sérieux, et le ruisseau de Chambéry n’en est pas un, c’est sans doute la propriété foncière qui est la cause de l’irrégularité actuelle de l’avenue, peut-être lointaine descendante d'une décumane de la voie Domitienne, une voie parallèle typique de la manière dont les romains cadastraient leurs colonies. 

Les vues anciennes de l'avenue de Castelnau sont rares. Elle n'a jamais eu d'intérêt touristique et n'a guère inspiré qu'Amelin, infatigable dessinateur de Montpellier et de ses environs. 

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Archives de la ville de Montpellier ii 155, plan de parties du tènement de Villefranque les Augustins

(détail - photo prise par l'auteur)


La première partie de la voie se trouvait jusqu'au XVIIe siècle à peu près dans l'axe de la rue Castan, là où s'élève à présent un immeuble neuf - le Modern Art - sur l'emprise de l'ancien couvent des Récollets. Le plan du XVIIe siècle reproduit ci-dessus montre l'ancien tracé, inféodé aux Récollets. 

Modern Art, 40 rue Proudhon - à gauche la chapelle des Récollets - juillet 2023 (cliché de l'auteur)

L'itinéraire existant depuis 1664 forme une ligne droite jusqu'au Chambéry, limite des lieux que j'ai pu identifier sur les dessins d'Amelin. Sur celui qui suit, on voit les anciens bâtiments du séminaire et à droite, le portail de la villa Alicot.

Amelin sans date (Memonum - Médiathèque centrale Emile Zola)

Voici le même endroit avec à peine plus de recul. Seule la chapelle des Récollets à gauche à l'arrière plan peut servir de point de repère avec ses arcs boutants. On voit que l'avenue a été agrandie côté nord, au dépends de l'ancien parc de la villa Alicot

(cliché de l'auteur - octobre 2018)

Si Amelin avait adopté exactement le même cadrage à l'époque, il se serait trouvé à peu près au niveau de l'aqueduc qui reliait par dessus le chemin le jardin Castan au jardin Alicot. Le voici sur un autre dessin.

L'aqueduc  à côté du jardin Alicot en février 1822 (Memonum - Médiathèque centrale Emile Zola)

Après le Chambéry, le tracé de l'avenue voit de se succéder deux courbes jusqu'au carrefour de la Pierre-Rouge. La vue d'Amelin va dans cette direction, à une époque où le paysage était encore ouvert et non formé d'enclos.

Le nouveau ponceau sur le Chambéry en travaux (août 2023 - cliché de l'auteur)

L'avenue franchit le Chambéry par un ponceau, autrefois en pierre, puis en béton. Il vient d'être remplacé il y a quelques mois.

Sur la deuxième partie de l'avenue, l'enclos Saint-François est à droite, l'enclos Laffoux à gauche
(octobre 2021 - cliché de l'auteur)


J'ai déjà parlé de la croix de mission et de l'animation d'autrefois sur le carrefour de la Pierre-Rouge. Je regrette que mes souvenirs de petite enfance soient aussi flous car j'ai connu cet état ancien et à part l'étroitesse de la rue du jeu de mail des abbés, je ne me souviens de rien de précis. 

Du carrefour de la Pierre-Rouge à la Villa Savine, l'avenue forme une légère courbe vers le nord. 

Maisons individuelles alignées sur rue de la fin du XIXe siècle. La largeur originelle de l'ancien chemin correspond à peu près la ligne de partage de la chaussée actuelle (août 2019 - cliché de l'auteur)

L'avenue de Castelnau est aujourd'hui dépourvue de tout commerce. Il n'en a pas toujours été ainsi et la maison la plus à droite sur la photo ci-dessus était autrefois l'épicerie Deltour.

Vue prise depuis l'ancienne entrée de la Villa Savine, on voit à droite le mur de soutènement des villas
(octobre 2021 - cliché de l'auteur)

Le mur qui retient le terrain en hauteur des villas construites sur les anciens terrains du Dôme Marguerite lui donne l'allure d'une tranchée. Ces murs sont bien plus hauts que ceux qui existaient jusqu'en 1980, avant l'élargissement de l'avenue de ce côté. Lors des fortes pluies, l'eau que les sols n'absorbent pas peuvent produire des puissants jets que mes grands parents appelaient des cascadelles. 

La partie rectiligne de l'avenue, avec des maisons individuelles à gauche et la résidente Le Prieuré à droite 
(octobre 2021 - cliché de l'auteur)

Ici comme ailleurs, la ville se reconstruit sur elle-même et les maisons individuelles aux terrains les plus vastes sont remplacées par des résidences. Et les pins parasols trépassent.

71 avenue de Castelnau, mars 2019 (cliché de l'auteur)

En voici un exemple sur la troisième partie de l'avenue, au 71 avenue de Castelnau. Seul le mur de clôture partiellement préservé sert de point de repère entre les deux photos. 

71 avenue de Castelnau, août 2021 (cliché de l'auteur)

Au niveau de la villa Savine, l'avenue forme un coude vers la droite et se poursuit en ligne droite presque jusqu'à son terme, la place du souvenir français qui dessert l'entrée principale du cimetière Saint-Lazare. Il reste là quelques jolies constructions du XIXe siècle, dont les volets verts s'inscrivent dans la tradition locale.

Les belles maisons anciennes des 81 et 83 avenue de Castelnau (cliché de l'auteur - aout 2020)

Quelques repères en évolution

Voie secondaire d'entrée à Montpellier, l'ancien chemin de Castelnau devait disposer d'un octroi pour taxer les marchandises entrant en ville. 

L'octroi de l'avenue de Castelnau a changé de place. Il se trouvait au début de l'avenue, face au grand séminaire, sur l'actuelle rue Proudhon.

Emplacement de la maison où se trouvait l'Octroi (août 2021 - cliché de l'auteur)

En septembre 1874, le conseil municipal délibère sur son remplacement par un bureau d'octroi au carrefour de la Pierre-Rouge. Le nouvel octroi de la Pierre-Rouge n'est pas l'un de ces édifices rappelant un temple antique, mais un local loué à Mme Lagare, née Appolonie Viala. Il s'agit d'une pièce de rez-de-chaussée et d'une chambre au dessus, dans une maison située "à l'extrémité de la cité ouvrière". En 1891, il en coûte 110 francs or par an à la mairie, 125 francs en 1901. Le bail est renouvelé une dernière fois en 1915, au bénéfice de la fille d'Appolonie Viala, Mme Joséphine Arnaud, pour 150 francs par an. Le service est réorganisé en 1924 et le bail du local devenu inutile est résilié au 31 décembre.

On voit bien sur le plan d'alignement ci-dessous la maison où se trouvait l'octroi autrefois et la maison détruite entre l'ancien emplacement de la croix et la résidence Laffoux.

Le carrefour de la Pierre-Rouge au plan d'alignement de 1980 (archives municipales de Montpellier)

Les archives municipales permettent de suivre une partie de l'évolution de la physionomie de la voie. Ainsi, le 25 février 1878, le conseil municipal renvoie en commission le demande d'implantation d'une borne fontaine au carrefour de la Pierre-Rouge. Ces bornes fontaines étaient nécessaires à la vie des habitants avant que le réseau de distribution d'eau entre dans les maisons et arrive jusqu'au robinet.

Villa Grasset (février 2020 - cliché de l'auteur)

En 1899, l'éclairage public au gaz n'existe que du séminaire au carrefour de la Pierre-Rouge. Les riverains demandent l'extension de l'éclairage jusqu'à la villa Savine, soit 4 lampadaires. Pour épargner le gaz, deux bruleront jusqu'à minuit seulement (35,87 francs de consommation annuelle), deux autres toute la nuit (69,35 francs). En 1912, cet équipement est complété par une lanterne appuyée sur la clôture de la villa Grasset, côté chemin du jeu de mail des abbés, « entre l’ancien chemin de Castelnau et la rue Polge (…) cette partie du chemin est, en effet, plongée dans l’obscurité la plus complète » alors qu’elle « est très fréquentée par les piétons ». 

En 1911, les riverains obtiennent l'installation d'une boite aux lettres, relevée 4 fois par jour, à l'angle de l'avenue de Castelnau et de la rue Abert.

Le 18 octobre 1965, le conseil municipal décide de changer la dénomination de l'ancien chemin de Castelnau en avenue de Castelnau. 

Mais depuis plus d'un siècle, le vrai chemin pour aller à Castelnau est plus au sud. 

Pont de Castelnau (carte postale circulée en juillet 1915 - collection de l'auteur)

De la route de Nîmes à l'avenue François Delmas

Comme l'avenue de Castelnau, la route de Nîmes n'est pas un lieu pittoresque et à part les alentours des ponts de la boucherie et de Castelnau, le crayon d'Amelin ne l'a pas immortalisée dans son ensemble. Le professeur de dessin à l'école régimentaire du génie a cependant laissé un précieux témoignage sur l'apparence extérieure de l'ancienne boucherie, à laquelle les bains et lavoir ont succédé comme je l'ai déjà raconté ici

La boucherie et le pont qui marque le début de la route de Nîmes - dessin d'Amelin en 1820
(Memonum - médiathèque centrale Emile Zola)

Sur un dessin de 1829 qui représente le même endroit, Amelin a esquissé un homme en uniforme. Préposé de l'octroi ou factionnaire de la poudrière ? 

Route de Nîmes, passage du Tour de France 17 juillet 1932 
(collection Lionel Gamet, avec son aimable autorisation)

Grâce à Roland Jolivet, on peut dater précisément cette photo. On devine à droite un garage avec sa pompe à essence, la station de service Villedieu, et, coupées par le cadrage, les arcades du péristyle de l'octroi. 

route de Nîmes, passage du Tour de France 17 juillet 1932 
(collection Lionel Gamet, avec son aimable autorisation)

Prise dans l'autre direction, cette photo nous révèle le caractère très arboré de la route de Nîmes. Le plan ci-dessous, qui figure ces arbres d'alignement, le confirme. Avant l'ère des voitures climatisées, nos devanciers à pied ou à cheval appréciaient l'ombrage des cathédrales de platanes qu'étaient nos nationales. 

Le début de la route de Nîmes au début du XIXe siècle avec le pont de la boucherie et l'octroi
(Archives municipales de Montpellier - 1Fi10)

A partir de 1255 fut fondé l'enclos des Augustins au début de l’actuelle avenue François Delmas autour du débouché de la rue Bernard Délicieux. Au XIVe siècle, l'enclos des Augustins s’étendait d’après d’Aigrefeuille du Pila Saint-Gély au terrain du château-Levat. Au XVe siècle, leur église comptait 13 chapelles, ce qui est l’indice de nombreux legs pieux, de fondations de messes et autres rentes. Il est certains qu’ils étaient forts riches. Comme les autres ordres religieux, les Augustins furent touchés par les guerres de religion et les bâtiments conventuels furent rendus inhabitables en 1562. Mais contrairement à d’autres ordres, leur maison de releva. Désormais installés dans l'Ecusson, rue de la Monnaie, ils conservèrent leur ancien domaine du faubourg de Nîmes et y firent fructifier vergers, oliveraies, vignes et culture maraîchères. Leur jardin est régulièrement arrenté à un jardinier pour plusieurs années, l’échéance venant toujours à la Saint-Michel. Les bâtiments semblent avoir fait l’objet d’une tentative de reconstruction entre 1640 et 1680 mais une expertise de 1680 conclut qu’il faut démolir les ruines. Le clos des Augustins correspond au repère 64 dans le plan ci-dessous.

Plan de Montpellier avant les guerres de religion - détail
(dans Albert Fabre, Histoire de Montpellier, depuis son origine jusqu'à la fin de la Révolution, avec plusieurs plans de Montpellier. Première partie Gallica BNF)

Un peu plus loin de l'autre côté de la route se trouvait l'édifice plus petit des trinitaires (repère 65 sur le plan ci-dessus) ou hôpital de Saint-Maur. Albert Fabre dit qu'il s'y trouvait une école mixte de théologie et de belles lettres. Par ailleurs ces moines obéissant à la règle de Saint Augustin se faisaient, comme les pères de la Merci, une spécialité dans le rachat des captifs chrétiens aux mains des pirates barbaresques, y consacrant les deux tiers de leur revenu. Leur couvent abritait une relique un peu anecdotique, le bâton de marche de Saint-Roch. Cette relique, qui a suivi les trinitaires dans leur déménagement, a disparu dans un incendie en 1793.

L'hôpital lui-même est cité du XIIIe au XVe siècle, sans autre précision sur sa capacité, sans doute faible, ou son éventuelle spécialisation. 

Habit d'un trinitaire d'après un ouvrage allemand 1787-1790 (BNF  Gallica)

Un autre édifice signalé par les archives est la poudrière. Cet édifice abrite le stock de poudre à fusil de la caserne du génie jusqu'en 1834. Cette année là, le conseiller municipal Dessale Possel s'inquiète de sa situation « dans un endroit isolé sous la garde d’un simple factionnaire, que dans des moments de trouble il serait facile de s’en emparer, ce qui pourrait occasionner de grands malheurs ». Mais en quoi consiste donc la garde du factionnaire ? 

Sa consigne, fixée par un arrêté municipal du 17 juillet 1829, est de donner « les trois alertes ordinaires, le Bon Dieu, le Feu et le Bruit », dont seule la seconde me paraît explicite, d’empêcher « que personne ne passe près du magasin à poudre soit avec du feu, soit avec des pipes ou cigares allumés ». Le factionnaire est placé sous l’autorité d’un chef de poste qui « fera toutes les nuits des rondes autour du magasin à poudre et s’assurera s’il n’y a rien de nouveau et si la sentinelle fait son devoir ».

Quelques mois après la proposition du conseiller municipal, adoptée à l'unanimité, la poudrière est transférée à la Citadelle. Il a aussi existé, tout près de l'ancienne maladrerie Saint-Lazare un moulin à poudre.

Magasin à poudre de la route de Nîmes - plan de l'intérieur 1826
(Archives municipales de Montpellier 2Fi 163)

La route royale, puis impériale, fut ensuite la route nationale 87 de Lyon à Béziers avant de devenir la nationale 113 ou route de Nîmes. Son itinéraire correspondait avant 1835 à l’actuelle avenue Saint Lazare. Ce n’est qu’à l’occasion de la construction du nouveau pont routier que l’itinéraire rectiligne que nous connaissons fut ouvert, amputant à l’est le parc du château-Levat. La destruction de la poudrière est contemporaine, toute comme la construction du nouvel octroi de la boucherie, celui dont le péristyle sert aujourd'hui de fontaine en retrait de la place du 11 novembre 1918. 

L'octroi de la route de Nîmes dans les années 1830 - dessin d'Amelin
(Memonum - médiathèque centrale Emile Zola)

La voie de chemin de fer ne fit que décalquer ce tracé quelques mètres plus à l’est, sous la forme d’un talus qui barre le paysage et délimite le quartier.

Elargissement du pont de la boucherie, déplacement de l'octroi, dessin probablement de 1834
(archives municipales de Montpellier - 1M non côté Bureaux d'octroi - cliché de l'auteur)

L'existence d'une douane suscite bien sûr de la fraude. Il y a les petites fraudes, dissimulées sous les robes de certains femmes, mais aussi des chariots chargés d'alcool qui passent en force et avec audace, à grand galop et coups de fouet. Avec l'arrivée des véhicules automobiles, les bicyclettes des agents ne leur permettent pas de lutter de vitesse. D'autant que la ville décide de réduire drastiquement les frais de personnel en 1928. 

Marie-Josée Guigou l'a bien montré dans son étude sur les bureaux d'octroi de Montpellier, l'octroi n'est plus très rentable à cette époque. Sa dernière année de fonctionnement classique, en 1927, il est censé rapporter 3 millions de francs mais coûte 1,5 millions en traitement des employés et frais divers. Le conseil municipal décide pour 1928 de passer de 80 à 25 employés et de concentrer les contrôles à l'abattoir, aux halles et à la gare de marchandises. Il n'y a plus de permanence dans les autres points d'octroi. Et quand les préposés y stationnent, par exemple pour des surveillances de nuit, ce n'est pas très efficace. 

Le chef Massal écrit ainsi le 14 janvier 1932 au préposé en chef : "j’ai l’honneur de vous informer que (…) dans la nuit du 19 janvier, sur la route de Nîmes, à l’octroi de Castelnau, il nous a été totalement impossible, malgré nos interpellations à haute voix et au moyen de notre sifflet, d’arrêter trois camionnettes rentrées à divers intervalles de la nuit, paraissant chargées ; nous n’avons pu malgré notre vigilance, prendre aucune indication ni même le N° matricule de ces voitures, une obscurité complète régnant devant ce poste qui n’est pourvu d’aucune indication permettant aux usagers de la route arrivant de nuit de voir son emplacement. 
J’ai bien lancé les agents cyclistes à leur poursuite, mais ces derniers, se trouvant dans l’impossibilité d’atteindre ces véhicules, ont été contraints de rebrousser chemin, sans avoir pu obtenir sur leur compte le moindre renseignement. 
Il serait de l’intérêt de l’Administration de l’octroi de faire établir une enseigne lumineuse indiquant l’emplacement de ses divers postes, les surveillances pourraient alors être plus fructueuses. Les usagers de la route ne pouvant plus se prévoir de leur honoraire au sujet de l’emplacement de l’octroi."

Comme le pont de Pavie tout proche (celui de la ligne de chemin de fer), l'octroi du pont de Castelnau a souffert du bombardement du 24 août 1944. C'est ce qu'il en reste que l'on trouve sur la photo suivante. L'octroi étant en pratique désaffecté depuis 1928, il ne fut pas reconstruit.

Octroi du pont de Castelnau après le bombardement du 24 août 1944 (collection Paul Génelot)

La circulation automobile croissante entraine de nombreuses modifications tout au long du XXe siècle. Après un énième accident mortel, l'éclairage électrique est installé en 1933. A partir de 1926, la circulation des poids lourds est réglementée et en 1950, ils doivent contourner le centre ville. L'itinéraire est changé en 1961 mais il emprunte toujours la route de Nîmes. Le pont sur le Verdanson est reconstruit et élargi en 1958. Mais rien n'y fait, malgré l'installation de feux tricolores pour réguler la circulation, les embouteillages obligent à multiplier les sens uniques dans les rues adjacentes ou à interdire le stationnement sur la route. En 1963, la ville met en sens unique le pont qui prolonge la rue Bernard Délicieux vers les Aubes, interdisant de sortir du quartier des Aubes à ce niveau là. Il faut attendre 1975 et la reconstruction de la voie de chemin de fer au dessus du Verdanson pour faire sauter ce bouchon là.

Photo aérienne 1963 (IGN géoportail)

Le 18 décembre 1967, l'ouverture du tronçon d'autoroute entre Saint-Jean de Védas et Vendargues soulage la route de Nîmes d'une bonne partie de son trafic de transit. Mais la croissance urbaine de l'agglomération de Montpellier est telle que le soulagement n'est que de courte durée. En 1971, on créé un deuxième itinéraire avec un pont submersible sur le Lez, à l'emplacement de l'ancien pont. Par l'ancien chemin de la Justice devenu avenue et qui rejoint la voie Domitienne, on peut contourner le centre par le nord. Mais rien n'y fait, le trafic ne cesse d'augmenter. 

Je me souviens qu'au début des années 1980, quand mon arrière grand père me conduisait en poussette jusqu'au parc Rimbaud, la traversée de la route de Nîmes au niveau du pont sous la voie ferrée de l'avenue de Saint Maurice de Sauret était une expérience éprouvante. 

Entre 2003 et 2006, la route de Nîmes est requalifiée en boulevard urbain. Le trottoir depuis l’avenue Saint Lazare est élargi, embelli, planté d’arbres et bordé d’une piste cyclable. L’avenue reçoit le nom de François Delmas (1913-2002), maire de Montpellier de 1959 à 1977.

Là comme ailleurs les constructions n'ont cessé de se densifier, mais seulement à l'ouest de la voie de chemin de fer, dont le talus reste un axe vert. En revanche les terrains proches du Lez sont promis à l'urbanisation dans le cadre d'une ZAC François Delmas en projet depuis plusieurs années.


L'ensemble des sources utilisées pour l'écriture de ce feuilleton, ainsi que les remerciements aux personnes qui ont bien voulu m'offrir leur aide, est détaillé ici.

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